vendredi 26 mars 2010

Lettre ouverte à Nounours, Kiki, Nicolas (absent sur la photo!) et les autres...


A l'écho de ma voix ne répondent que les craquements des meubles ou du parquet ... J'ouvre la porte de la chambre : il y a bien longtemps que personne ne dort plus ici .
Les oiseaux s'envolent, il faut bien que les enfants partent aussi.
Mais les livres s'ennuient, sagement alignés, figés, le dos tourné à la lumière, à la vie.
Et Nounours, Kiki et les autres, tant aimés autrefois et maintenant relégués, oubliés, méprisés.

          Les bras qui vous entouraient, où sont-ils?
        Aimer c'est souffrir... Dites-le, vous aussi .
Criez-le !...
Qu'on vous réponde !

Avant que tout ici ne sente la naphtaline ...


samedi 20 mars 2010

Algérie mars 2009

Nous étions seize aveyronnais à rejoindre la Tunisie et l’Algérie pour retrouver les lieux où vécut Saint Augustin, lieux qu’il a aimés: Thagaste (devenue Souk Ahrras), Madaure (Montesquieu et aujourd’hui M’Daourouch), Carthage et Hippone (Bône puis Annaba).

Deux pays aujourd’hui. Un seul autrefois: l’ancienne Numidie.

Comment résumer un tel périple en un simple compte-rendu, qui devrait aussi souligner l‘accueil chaleureux des algériens et des tunisiens.

(Madaure, la mauve -Site romain -) 

Découvertes, du moins pour moi qui ne connaissais ni Augustin, ni l’Algérie.
Né à Thagaste, étudiant à Madaure, Augustin avant d’être saint, avant même d’être prêtre et évêque, a été un jeune homme avide de tout connaître, amoureux d’aimer, faisant fi des tourments et des prières de Monique, sa mère, qui voudra le protéger en allant partout où il ira.

(Carthage - cénotaphe de Saint Louis -)
A Carthage, il étudie la philosophie, fréquente les manichéens, mène une vie qu’on qualifierait aujourd’hui de vie de désordres, mais dans laquelle il ne cesse de chercher une vraie justice intérieure… une loi qui ne change ni avec le lieu, ni avec le temps. Maître en rhétorique, couvert d’honneurs et de gloire à Rome, à Milan, il laisse tout tomber lorsqu’il réalise l’objet de sa quête "Tu étais là tout près de moi et tu m’écoutais ; j’ondoyais et tu me pilotais ; j‘allais par la voie large du siècle et tu ne me lâchais pas".
Après la mort de Monique à Ostie, il revient en Afrique, à Carthage puis à Thagaste où il donnera tous ses biens aux pauvres. Il rallie ensuite Hippone où il sera ordonné prêtre, puis évêque, et où il finira sa vie.

(Hippone, 20 ha de vestiges romains autour de la basilique)

Ce voyage n’était pas seulement un voyage touristique, même si, partout, sous nos pas, devant nos yeux, se superposaient civilisations libyco-punique, antiques et romaine. Et c'est déjà beaucoup !

(le Tophet de Salammbô)

Nous avons vécu un voyage accompagné, mis en musique, «doublé» en quelque sorte, par la voix off d’Augustin et par celle, indissociable, de Monique sa mère. 
Comment disait-il, ce cher Didier ? - une mère inquiète, castratrice, pas trop charitable !… Des traits de caractère qui me rappellent quelqu’un que je connais très bien ...

(Le Tophet où se déroulaient les sacrifices "molk")

Je terminerai en évoquant des moments forts de ce voyage.
Nos accompagnateurs algériens nous ont pilotés dans Souk Arrhas afin que Damienne puisse revoir sa maison de famille, son école, l’ancien "grand" hôtel d’Orient où descendaient les célébrités de l’époque (avant 1956). Celà n'avait pas été prévu. Puis sur la route, arrêt à Aïn Sennour pour recueillir de l’eau minérale à l’ancienne source où sa famille allait autrefois. De l'eau de la source, Damienne en a puisée pour la rapporter à son frère, en France. Mais comment lui faire prendre l'avion avec les nouveaux contrôles ? Didier a trouvé la solution : dans la valise-chapelle, à la place du vin de messe utilisé pendant le séjour!

Le 10 mars, nous étions à Constantine, la ville des ponts surplombant les gorges du Rhunel, citadelle du vertige ; ville où, dit-on, les hommes vivent plus haut que ne volent les oiseaux. Nous avons quitté cette ville le cœur serré avec une image devant nos yeux : celle du Père – évêque et de son adjoint, maigres silhouettes agitant leurs mains en signe d’aurevoir, devant le portail de la Maison du Bon Pasteur. Cette maison où nous venions d’être reçus, dans une sorte de grand garage aménagé en lieu de prière, baptisé avec un peu d’ironie "cathédrale".
Le père Paul Desfarges, ordonné évêque du diocèse de Constantine le 12 février 2009, disait :
"Notre Eglise n’a pas de mur d’enceinte. Les routes du constantinois, les rues des villes et des villages sont les allées de notre cathédrale …Ce sont les lieux de nos peines, de nos services que nous sommes appelés à vivre dans la forme du "lavement des pieds".

Il y eut aussi des moments plus souriants.
Quand le groupe voulut "essayer" le téléphérique - tout neuf, il est vrai - qui franchit les gorges du Rhunel ! Tremblante de peur, et hésitante, il m'échut le dernier "oeuf" avec les policiers algériens et le Père Maurice (130 kgs d'amitié répartis sur 2 mètres !). De quoi partir rassurée, n'est-ce-pas ?...
Toujours à Constantine, l'hôtel "Cirta", du genre de celui d'Agatha Christie dans Mort sur le Nil .Trés baroque, beaucoup d'allure,  il m'offrit une chambre où la salle de bains était à commande ... manuelle. Puiser l'eau d'évacuation, non pas à la source, mais dans le bac!... Le dîner, en revanche, y fut plus que parfait. ...et pendant ce repas, assister à un échange quelque peu surréaliste entre un larzacien "pure laine" et un berbère : mondialisation de la non-violence !
Quelques regrets, pas le temps de visiter le musée comme je l'aurais voulu : j'espérais voir le tableau de Cauvy ... Et non, l'heure c'est l'heure (de la fermeture!) .
- Vous reviendrez !
- Mais j'y compte bien ! 

Sur le chemin du retour, l'interminable passage de la frontière à Sakiet Sidi Youssef, de sinistre mémoire. Et puis, la re-découverte (pour moi) de Dougga .

(La vue la plus célèbre de l'antique cité)
(Dougga - Patrimoine mondial -)
Quand les touristes ont quitté le site (...  du moins ceux qui ne se sont pas laissés enfermer! ) la vie authentique reprend ses droits.

Le voyage a pris fin. Ne restent que les souvenirs, et la promesse faite à Hamid de revenir. 

dimanche 14 mars 2010

Le vieil homme et l'enfant

Il s’appelait "Léonet", mais quand on parlait de lui, on disait "Le Léonet".
C’était un vieux garçon qui vivait avec sa sœur Tancette, également célibataire.
Il travaillait ses vignes et avait tout du vieil original.
Il pesait largement son quintal et une assiette pleine ne lui faisait pas peur.

Il vivait à son rythme qui n’était pas celui des autres. Sa pendule affichait un décalage d'environ deux heures avec la "légale", ce qui l’amenait à se lever lorsque les autres travaillaient déjà ; il allait travailler lorsque les autres rentraient ; il prenait son repas lorsque les autres avaient fini de digérer et se couchait fort tardivement dans la nuit.

Pour travailler ses vignes, il avait un cheval, mais un cheval entier. Et comme cet animal avait du feu sous les sabots, il ne fallait pas le solliciter beaucoup pour qu’il fonce sur les chemins.
On pouvait voir ce cheval attelé à la grande charrette aux roues à bandage de fer, traverser en trombe le village, dans un tintamarre, Léonet planté droit, tenant les rênes, pendant que sa sœur accrochée aux ridelles lançait des " Pas si vite Léonet ! ". Les enfants s’arrêtaient pour le regarder passer et s’exclamaient en riant  "C’est Ben Hur ! ".



Ce personnage pittoresque s’était lié d’amitié avec un enfant du voisinage.
Un enfant qui vivait avec sa mère et ses grands parents. Il était de santé fragile et recevait régulièrement des soins.
En apparence, rien de commun entre ces deux êtres, mais on peut comprendre qu’un enfant sans père et un homme sans enfant puissent être attirés l’un par l’autre.
Et de fait, chaque fois qu’il le pouvait, l’enfant courait chez Léonet ; tous deux s’asseyaient sur un banc et entamaient des conversations sans fin.
L’enfant voulait tout savoir. Et Léonet, qui avait beaucoup de patience, parlait, parlait, devant l’enfant qui écoutait.
Or, à 8 ou 9 ans, la santé de l’enfant se détériora et il dut partir en consultation. Le spécialiste lui expliqua qu’il devait subir une nouvelle intervention chirurgicale et en fixa la date.

Aussitôt revenu chez lui, l’enfant alla retrouver son ami Léonet.
Il avait compris la gravité de son état de santé :"Je vais partir à Montpellier pour être opéré, mais je sais que je vais mourir, alors je suis venu te dire adieu."
Léonet, interloqué, tenta de raisonner l’enfant, essaya de lui redonner confiance, mais en vain.

L’enfant fut hospitalisé pour être opéré et il mourut lors de l’opération.

La mort d’un enfant est toujours difficile à accepter et celle-ci émut la population du village.
Elle fut bien plus bouleversée encore lorsque Léonet, inconsolable, raconta comment cet enfant lui avait annoncé sa propre mort, avec beaucoup de lucidité, sans s’apitoyer sur son sort, sans une plainte.
Tancette est morte, renversée par une voiture. Le cheval a été vendu et sur les chemins du village on ne croise plus guère que des tracteurs.
Léonet s’en est allé lui aussi, et il me plait à penser que Saint Pierre a réservé à nos amis un banc, à l’ombre d’un tilleul, où ils ont pu reprendre des discussions qui n’en finissent pas.

Il vous attend :
Le Musée du charroi à Salmiech (Aveyron)

lundi 8 mars 2010

Le grand blanc


Ce week-end, début du grand nettoyage de printemps . Un temps magnifique tout samedi et tout dimanche...
- Pardon ? ... Vous avez-dit ?...
- Excusez-moi. Beau temps samedi et tout dimanche jusqu'à 17 heures.
Après, ça c'est nettement gâté.

Et pourtant !... Les draps avaient séché au soleil, mais oui, mais oui !... Remis sur le lit, odeur de plein air en prime,  ils ont fait passer une nuit douce et agréable .
Les branches tombées du tilleul ont été brûlées ... .
Le chef avait dit : tout doit être net !  Les ordres ont été exécutés. Même en haut lieu .

Résultat, ce matin, en photo .
Propre et net. N'est-il pas?...

... mais, il paraît que dans le Midi ( le Midi,  ques aco ?) c'est pas mieux, et là-bas, au pays-bas, dès qu'il y a un soupçon de blanc sur le sol, c'est panique à bord...
(J'ose pas parler du réchauffement de la planète)

Allez bonne journée à tous.


"... Mais vous, Hiver, trop êtes plein
De neige, vent, pluie et grésil;
On vous doit bannir en exil.
Sans point flatter, je parle plain,
Hiver vous n'êtes qu'un vilain !"
(Charles d'Orléans)

samedi 6 mars 2010

" Veni, vidi...Invictus"

Une histoire d’ovalie… trop rondement menée ?
Non.
Bien que Galilée ait oublié Kepler en son temps, le mouvement elliptique de corps célestes en orbite semble être chose acquise pour nos astrophysiciens.
C’est de rugby dont il s’agit ici . Sport créé par un jeune étudiant en l’université éponyme en 1823, du nom de William Webb Ellis, plus tard pasteur anglican et mort en France .

Il s’agit cependant surtout de politique, et qui plus est en Afrique du Sud avec le démantèlement de l’Apartheid et la présidence de Nelson Mandela.

Et il s’agit enfin du dernier long-métrage du grand Clint Eastwood .
Bientôt octogénaire, il fit découvrir l’histoire mythologique des Etats-Unis au colt, avant de passer derrière la caméra et de livrer des masterpieces à la pelle (Bird, Impitoyable, Sur la route de Madison, Million Dollar Baby, Mémoires de nos pères et Lettres d’Iwo Jima, Gran Torino l’an dernier).
Clint Eastwood, commandeur de la Légion d’Honneur depuis 2009, outre ses nombreuses récompenses cinéphiliques...
....voilà pour le cadre.

Pour la matière, le film tant attendu, Invictus, est ni plus ni moins qu’une honnête tranche de cinéma, très bien réalisée mais, à dire vrai, peut-être trop.
La présence de Morgan Freeman est généralement un gage de qualité hors défauts de production (Bruce tout-puissant, hélas, et ses succédanés), mais traiter de Madiba, c’est-à-dire de Nelson Mandela, est un travail minutieux d’icône par la force des choses.
Peut-être qu’un soupçon d’iconoclasme (même eu égard à une telle personne, à son rôle historique) n’aurait pas fait de mal.
Bien interprété, bien ficelé, bien hollywoodien (fautes de rugby mises à part), Invictus est un long-métrage agréable, de saveur convenue sur un sujet sensible : sans en-avant, il n’est ni le meilleur ni le pire, ni Stanley Kubrick ni Ed Wood.

Il garde son quota de "clichés" :
Par exemple,  les deux mains qui enserrent la coupe de la victoire : une blanche, une noire.
Ou encore,  la scène avec le gamin des rues, un noir, qui n’a pu entrer dans le stade et qui "squatte" la radio des policiers. D’abord écarté, puis toléré à proximité d'oreille de la voiture de police, puis sur le capot, puis admis à partager une canette, puis… puis ...porté en triomphe dans l’excitation de la victoire.

Peut-être est-ce quand même un peu se la raconter ainsi, que de faire du cinéma sur les instants où le sport devient le ciment national.
Mais un peu de lyrisme ne fait pas de mal.

«Je remercie les dieux quels qu’ils soient
Pour mon âme indomptable…
… Je suis le maître de mon destin,
Le capitaine de mon âme »
(William Ernest Henley)


(Ecrit à quatre mains et, ce jour-là, à 180 kilomètres de distance)

Non, pas de livres cette fois-ci.
Un CD:  Paul Simon " Graceland "