vendredi 18 septembre 2009

Je veux re-lire !



Non pas lire quelque livre que je connais déjà. Non. Re-lire, c'est-à-dire se remettre, me remettre, à la lecture. Difficile. Plus difficile que je ne le croyais. Déjà trois ans que j’ai cessé mon activité professionnelle : je pensais avoir désormais tout le temps nécessaire pour découvrir tous ces titres qui m’attendent dans la bibliothèque. Reproches muets chaque jour devant mes yeux : « pas encore lus ! ».
Et pourtant ! Combien j’ai aimé lire ! Combien de fois un livre m’a écartée de la tristesse ambiante, m’a sauvée tout simplement. Tout ce qui était imprimé était pour moi. Pas encore dix ans, allongée entre les deux grandes planches de la lingerie du Belleville où Jacqueline me tolérait, un livre entre les mains et j’échappais pour de longues heures à ce morne quotidien.

Ce que je lisais ? Tout, mais vraiment tout. Ce que me prêtaient les protégés de Monsieur Massis, et aussi les illustrés, car on ne parlait pas encore de B.D. C’est à cette période que je suis devenue tintinophile pour le restant de mes jours … et vaccinée à tout jamais contre les autres qui tentèrent de détrôner la bande à Milou: jamais pu digérer Gaston Lagaffe… Depuis, j’ai vécu grâce au stock de jurons du Capitaine Haddock : c’était l’époque où l’on pouvait traiter son adversaire de moule à gaufre, de marin d’eau douce ou de bachi-bouzouk (mon préféré) sans risquer le prétoire, côté accusé. J’aurais aimé interroger un homme : «La barbe ?... Dessus ou dessous le drap ?» …Et le professeur Tournesol ! …J’ai découvert par la suite que deux authentiques savants avaient servi de modèle, si l’on peut dire, à mon cher Tryphon : le suisse Piccard qui explora la verticalité, celle du ciel et celle des profondeurs marines, et le français Rocard, le père de notre Michel, oui, oui. Dénominateur commun : tous un peu dur de la feuille.

A Font-Romeu, lire c’était s’évader. Mon ancien instituteur, Emile Bonnet, m’envoya son livre Une drôle d’absence avec ces mots si vrais : « je te dédie ce livre, toi qui fus si longtemps prisonnière, bien que dans d’autres conditions… » Plus tard, à Saint-Pons, dans le noir et le silence du dortoir, c’est à la lampe électrique et sous les couvertures que je dévorais, des nuits entières, des livres connus ou pas, des livres recommandés … et d’autres qui l’étaient moins. C’est grâce à la tribu des Whiteoak de Jalna, à Hercule Poirot (et aussi à Wonder !) que l’interne a pu survivre aux rosseries des surveillants, petits kapos, sous le règne des Dupy. Tout cela au risque de se faire prendre et de se faire coller, ce qui arriva très souvent. Oui, en ces temps là on était puni parce qu’on aimait lire !

A la maison, il n’y avait qu’un livre. Oui, vous avez bien lu : UN, un seul livre. Son titre ? Les Arabes, par le docteur Gustave Lebon. Je possède encore cet ouvrage, magnifiquement relié d’un cuir sombre, doré et travaillé comme un plafond andalou. Je n’ai jamais su comment Les Arabes étaient arrivés chez l’arrière grand-père, charpentier de son état!…
J’ai bien une petite idée .
L’arrière grand-père, m’a- t-on dit, avait parfois du mal à se faire payer, et certains biens qu’on penserait être « de famille » semblent avoir été acquis à l’aide d’un système qu’on pourrait qualifier de troc de nécessité. Le tombeau «de famille»? Construit par un maçon débiteur. L’ancienne et lourde porte d’entrée de la maison ? Fournie par un débiteur … qui avait une porte en trop, je suppose. Et donc, notre livre a peut-être été l’objet d’un identique marchandage. Deuxième indice : il y a aussi dans cette même maison, une table de toilette dont je connais l’origine ! … Il était une fois un fils de bonne famille qui faisait, à Montpellier, des études de droit et, en même temps, de médecine, le pôvre ! Mais si, mais si, c’était possible en ce temps-là !... Il a d’ailleurs exercé comme médecin du lieu, et non comme avocat. Quoiqu’il en soit, sans doute soucieux avant l’heure du maintien d’un certain équilibre vital, le carabin menait de pair les études et… la fête. Pour financer cette double vie, en évitant de trop solliciter la famille, et bien il vendait, de ci, de là, quelques objets ! Dont la table de toilette. Et pourquoi pas le livre? Elémentaire, mon cher Watson !...
Donc à l’ostal, pas de livre, ou si peu. Et pas de conditions franchement idéales pour s’adonner à la lecture : il avait été décidé, une bonne fois pour toutes, que la lumière c’était cher, et que « dix bougies » c’était bien suffisant pour se déshabiller et se mettre au lit. Et au lit, on dort. Alors, même à la maison, pour lire je me cachais ! Un mien cousin allait lire, lui, au milieu des pins de Caville. Mais il a fait carrière, lui, pas moi !
Des livres préférés ? Côté aventures, c’est sans discussion possible Malevil qui est en tête de mon hit-parade personnel (mais combien m’a déçue le film !). Tintin, lui, est hors concours bien sûr ! Et pour le reste, j’aime surtout la poésie. Je sais, je sais, ce n’est pas «tendance», mais Baudelaire vaut pour moi tous les auteurs «nominés» (horreur !), couronnés, par ces fameux prix d’automne distribués à la tête … de la maison d’édition.
Enfin, parlant d’expérience, aux dix droits imprescriptibles du lecteur énoncés par Daniel Pennac, j’en ajouterais un onzième : le droit de lire la dernière page pour connaître la fin de l’histoire avant l’heure.

Les livres-remèdes qui me font du bien :
R. Merle : Malevil
Loup Durand : Daddy
T. Sertillanges : La vie quotidienne à Moulinsart
Les anthologies de la poésie : celle de G. Pompidou (l’introduction du Président est à déguster sans modération) et aussi J. d’Ormesson Et toi mon cœur, pourquoi bats-tu , difficile de répondre, mais les yeux bleu porcelaine de d’Ormesson, c’est, c’est…le remède plus le médecin !

vendredi 4 septembre 2009

Conques et Gironde

Curieux ? Vous avez dit curieux ? Comme c’est curieux.
Et non, ce n’est pas un ourson, mais seulement un morceau de bois flottant arrêté à la pansière du moulin, qui attendait l’objectif de Guillaume. C’était sur la route de Conques (dans le 12, faut suivre ! le dernier post était sur le 34) : - « pas trop de monde » disait le conducteur, - «pourvu que ça dure» grommelait la navigatrice, celle qui assumait cette fameuse conduite accompagnée. À ce sujet, Monsieur le Ministre, des Transports, du Tourisme, de l’Equipement et de la Mer, il faudra penser un jour à décerner une médaille ou quelque chose dans le style, à ceux qui oeuvrent pour la future sécurité publique sur vos routes… C’est souvent la mère qui s’y colle et ces 3.000 kilomètres, c’est pas sans stress ! Revenons à nos moutons. Conques, un des plus beaux villages de France. Comme La Couvertoirade, oui, oui ! En Aveyron, ils sont dix dans cette catégorie! J’en vois qui roumèguent : c’est pas beau la jalousie... On peut avoir la chance de découvrir le village par le sud, ou bien, s’il y a beaucoup de visiteurs, votre voiture sera invitée à faire un grand détour pour aller se garer sur un parking de l’autre côté du village. Mais ce n’est pas à l’autre bout de la terre. Traverser le bourg médiéval, dans un sens ou dans l’autre (mais c’est mieux par le sud), est une source d’émerveillement. À chacun de nos passages, quelque chose de nouveau se révèle à nous. Ce n’est donc pas une visite que je veux faire, quelle prétention ce serait, pécaïre ! mais je veux attirer le regard et donner l’envie de «picorer». Comme ça, pas d’indigestion culturelle, pas de risque d’overdose ni pour les grands, ni pour les petiots. Place de l’église, collez-vous le dos à la boutique de souvenirs pour regarder le tympan de l’abbatiale composé de trois matériaux, facilement identifiables par les couleurs : du grès rouge, du calcaire jaune et le schiste noir. Il y a là 124 personnages composant une véritable B.D. sur le thème du Jugement Dernier. D’un côté les bons, de l’autre les méchants, ça on connaît. Certaines sculptures ont été «adaptées» à la forme arrondie du tympan, c’est le cas côté gauche, d’un ange avec une aile rognée semble-t-il, ou encore de Sainte Foy agenouillée, presque écrasée. Abbatiale Sainte Foy, c’est le nom du monument. J’ai pris – à ce moment là – une leçon de vocabulaire. Jugez plutôt : je croyais savoir que les reliques de la sainte avaient été dérobées à Agen pour venir orner Conques. Que nenni ! On doit parler à ce sujet d’une translation furtive, ou encore d’un pieux larcin ! Quelque chose de plus réjouissant : au-dessus du tympan sculpté, dans le cercle extérieur de la voûte, que voit-on ? Vous ne voyez rien ? Curieux, comme c’est curieux ! Oui, mon cousin j’ai dit curieux ! Et cette photo d’un des fameux vitraux de Soulages, elle vous fait penser à quoi ? Pour moi, c’est le rideau baissé d’une banque le jour de fermeture de l’agence… Pas plus ! Dans la rue qui descend en calades, juste avant le cloître, allez donc regarder de plus près les mesures de pierre. Il existe en Aveyron beaucoup de villages ayant conservé ces témoignages de l’époque où n’existait pas le système métrique. Les plus belles de ces mesures se trouvent à Aubin, à Compeyre, à Campagnac et bien sûr au Sesteyral de Sévérac-le-Château. Interrogé sur ces mesures, un bistrotier du coin «depuis plus de vingt ans» n’en connaissait pas l’existence et en tout cas pas l’emplacement. Il sert à boire, lui, il n’est pas l’Office de Tourisme, lui !
En bordure du cloître, examinez donc de plus près deux chapiteaux de pierre qui représentent les moines-soldats pour l’un (ci-dessous) et les moines-bâtisseurs pour l’autre.

Et pour terminer cette escapade estivale, continuez-donc à descendre la vallée, par Grand Vabre, jusqu’au château de Gironde, sa petite chapelle et le magnifique point de vue sur la rivière Lot. Ici repose un ancien député de l’Aveyron, dont le vœu de passer son éternité dans ce lieu fabuleusement frais a été exaucé. Georges Brassens, lui, n’a pas su faire !...