jeudi 31 décembre 2009

Le bouc aime la chaleur.


Mon beau-père racontait volontiers cette histoire qui lui avait été rapportée par son vétérinaire, vieille connaissance.

C’est l’histoire d’un couple de vieux agriculteurs vivant de peu : quelques vignes qui suffisaient mal à étancher leur soif, quelques volailles, un jardin, et un troupeau d’une quinzaine de chèvres pour faire des fromages qui étaient vendus à l’épicier.

Au milieu du troupeau, un bouc, car il en faut au moins un si l’on veut manger des chevreaux au printemps.

Malheureusement, ce bouc fut malade et à la fin on appela le vétérinaire (à la fin seulement, car la sécu ne rembourse pas ).
Le vétérinaire se rend sur les lieux, examine le bouc et diagnostique une pneumonie. Il prescrit quelque remède et recommande que l’animal reste au chaud.
Une semaine plus tard, notre vétérinaire revient et trouve son patient tout à fait guéri.
Il en complimente les agriculteurs et leur demande comment ils ont fait.

- " Vous avez conseillé de le garder au chaud, alors nous l’avons couché dans notre lit."
- " Dans votre lit !... Mais… L’odeur ?"
- " Oh ! pour cela, il s’est très bien habitué !"

dimanche 27 décembre 2009

Un caractère de cochon, la grippe qui va avec .


Ca a mal commencé.
Etre patraque au seuil d’un long week-end de fête est une chose à envisager sérieusement le jour où l’on prépare sa trousse de survie.

Sur la porte de la pharmacie, l’indication du médecin de garde. Ouf! C’est le « mien ». Celui avec lequel je me sens guérie dès que je passe la porte du cabinet. Oui, bon il ne s’appelle pas Fontvieille quand même … Au téléphone, douche froide et voix enregistrée, ce n’est pas lui, c’est un autre !... Bon tant pis, bien au chaud sous la couette, j’attendrai son retour.
Trois nuits à frissonner et à tousser, d’une toux qui m’ébranle toute la colonne vertébrale. Faisons grâce des autres détails !...

J’avais commencé ces jours de fête avec un gros bleu à l’âme.

Chaque année, c’est pareil : je n’aime pas les fêtes. Faisons la liste des doléances : mauvais souvenirs de famille, et je ne suis pas non plus flonflons et confetti. Le 27 est mon anniversaire – et cette année, je change de dizaine - . Vivement le 2 janvier !

Ce matin, ouf, mon docteur est là.
Et quand je sors de son cabinet, ordonnance en main, je me sens bizarre : c’est LA grippe H1N1 qui a jeté son dévolu sur mézigue. A l’insu de mon plein gré, évidemment. Je rentre à la maison et déballe sur la table familiale, devant les yeux effarés des miens, des boites de médocs et une quinzaine de masques de protection.

Me voici fin prêt à recevoir les vœux : bon anniversaire ! - Merci, merci.

Moi qui n'ai jamais été trés potonejare, cette année je suis gâtée! Nul ne m'embrassera et qui sait même si certains ne vont pas agiter la crécelle devant moi!...

lundi 21 décembre 2009

Au Père Noël, elle ne demande rien.

Elle jeta un nouveau coup d’œil en arrière, par-dessus son épaule, se félicitant au passage d’avoir choisi cette place, dans une travée du côté droit, troisième rang, endroit idéal pour observer tous ces gens qui continuaient à entrer et à s’installer. Les bancs se garnissaient et il n’y aurait bientôt plus d’espaces libres.
La cloche continuait à sonner.
Dans le village, chacun avait été d’abord surpris, puis avait arboré un drôle d’air … Un air de "ravi" … Le "ravi" de la crèche de mon enfance, quand je ne comprenais pas, mais alors pas du tout, qu’on l’appelle ainsi alors, qu’à mon avis, il avait surtout l’air demeuré, simple d’esprit, comment disait-on déjà ? acocolit, le presque fada du coin, quoi !
Cette cloche, dans la nuit et dans le froid, elle intriguait. Voici bien longtemps qu’elle ne s’ébranlait plus que pour les obsèques d’un ancien du coin, un vieux qui - avant de trépasser – avait bien pris soin de préciser :
"La messa… al glèisa dal Pi ! Si le curé ne veut pas… direct au trou !". Et, pour éviter le  "direct au trou !", veuve et orphelins faisaient le siège du prêtre, du chantage aussi parfois…

Mais les enterrements, on n’est plus au temps des guerres de religion, ce n’est quand même pas la nuit que ça se passe …

Tous, les uns après les autres, sortaient de leur maison, grimpaient la rue aux pavés glissants de givre. Au hasard des portes qui s'ouvraient, la file se complétait d’autres "ravis"...
Ils arrivent en nombre sur la placette, et là, deux choses bizarres : la porte de l’église est fermée, mais la lumière perce à travers la vitre crasseuse de l’imposte… et plus haut, les yeux ébahis voient la rosace du vitrail toute éclairée de l’intérieur.
Il faut se rendre à l’évidence, il y a de la vie là-dedans !
Chacun s’est donc installé.

La porte s’est ouverte et refermée encore une fois. Elle, au troisième rang côté droit, ne s’est pas retournée. Comme tous les autres, elle a compris.

Elle ne s’étonne pas davantage quand arrive à sa hauteur le berger, un agneau nouveau-né collé contre son vieux manteau, comme enfoui pour se protéger du froid, suivi des pastrous portant sur leurs épaules des agneaux plus âgés, troublés et inquiets au milieu de tous ces regards, de toutes ces flammes et fumées de bougies, lumières de toutes couleurs.
Les animaux bêlent. La cloche se tait. Le temps est comme suspendu, l’assemblée silencieuse attend…
Quand la musique emplit la nef, et que se mettent à chanter les enfants, alors, alors seulement, chacun se tourne vers son voisin avec des yeux brillants d’émotion et comme un merci sur les lèvres.

Et elle, devant au troisième rang à droite, elle qui n’a personne à ses côtés – c’est un rang à seulement trois places, il est vrai – regarde par dessus son épaule une dernière fois.
Au fond de l’église, debout entre la grande porte et le confessionnal, tout près du clou où la nonna a raccroché la corde, elle distingue des silhouettes qui lui font un petit signe de la main. Il a là Bertouli, l’oncle parti il y a si longtemps, paria pour avoir ruiné son père et fait pleurer sa mère. Oui, oui celui- là même à qui (toi, toi au troisième rang !) tu as refusé l’accès à la tombe où reposaient les parents. Et à côté de lui, n’est-ce pas ton père? Celui qui t‘exaspéra si souvent au point que tu lui crachais des horreurs au visage. Lui, il ne répondait pas… Toi au troisième rang, bien sûr que tu te rappelles, je le vois bien ... Tu baisses les yeux, tu te prépares à quitter ton banc et ce lieu où, tu le sens, tu n’as pas ta place. Tu vas sortir dans la nuit et dans le froid, meurtrie de ces remords qui finiront de te ronger… Mais au fond de l’église, entre la porte et le confessionnal, ils sont toujours là, et c’est à toi qu’ils sourient. Sourire en guise de barrage entre toi et la nuit. Tu ne sortiras pas.  Il n’est plus temps de partir.

Tout là-haut, devant la grepia enfouie sous le lierre et le buis de l’auvent de pierres, l’homme en blanc ouvre les bras et martèle avec force : "Il est venu pour racheter et sauver tous les hommes".

Une lecture? Yves Garric "Pastorale pour le Rouergue"

lundi 14 décembre 2009

Je serais «in», je serais locavore! . Voudriez-vous l’être avec moi?

Le souci, partout affiché, de protéger notre planète, de consommer équitable sans laisser une trop grande empreinte carbone, m’amènera - peut-être - à ouvrir une nouvelle rubrique de recettes avec des produits locaux, de culture facile dans notre jardin familial, voire "sauvages", c'est-à-dire récoltés au hasard de nos randonnées.
Si je commence par l’apéro, n’allez pas croire que… ou que … Non, non… c’est simplement que j’ai récemment dégusté la recette qui suit.

Trousse-épinette
Il s’agit d’un apéritif vendéen (ou charentais), mais tous les ingrédients existant ici, je l’adopte.

1 - Mélanger dans un grand récipient (pas dans une bonbonne, ce serait beau mais ardu à vider)
- cinq litres de bon vin rouge (de 12 ou plutôt de 34)
- un litre d’alcool à 50° (de 12 ou plutôt de 34)
- un sachet de sucre vanillé (de notre épicier préféré)
- 800 g de sucre
- ½ gousse de vanille (…venue d’ailleurs)
- et l’indispensable fagot d’épines (de devant ma porte, ou presque)

Ici, soyons clairs : il s’agit d’un bouquet de jeunes pousses du prunelier de nos haies que vous cueillerez entre mars et mai, quand les rameaux sont tendres (tout est relatif), juste après la floraison.
Il faut un gros fagot.
La mesure idéale est celle de deux mains qui serreraient le tout – les mains du conjoint feront l’affaire, d’abord parce qu’elles embrassent un cercle plus large que ne feraient les miennes petites menottes, et puis parce qu’il y a des épines ! – La longueur? … Quinze à vingt centimètres, a vista, on n’est pas à l’école !

2 - Mettre en quarantaine. Oh! ça va… Je traduis (mais c’est la dernière fois) : laisser macérer quarante jours.

3 - Filtrer, mettre en bouteilles.

4 - Vous connaissez la suite.

A la dégustation, j’ai trouvé que ce breuvage ressemblait comme un cousin germain à celui "trouvé" chez mon épicier préféré, fait avec des noyaux de cerise, plus, certainement, vin rouge, alcool, sucre etc. etc. . Vous connaissez. Mais mon épicier, lui, il a des charges. Donc cette bouteille là nécessitera, en plus, la recherche de quelques pièces, et par les temps qui courent … Remarquez, on peut, aussi, s’abstenir !

Prochaine recette, le dessert (mais c’est pas pour demain). Oui, apéro et dessert… Ainsi encadrés, les plats plus roboratifs, à venir, n’auront qu’à bien se tenir.

Une anecdote ?
Sur la presqu'ile de Rhuys (c'est quand même à une latitude plus nordique !) on produit du vin. On dit qu'il faudrait, obligatoirement, être quatre pour boire ce vin!. A savoir, le consommateur bien évidemment, une personne à ses côtés qui tient le verre, et deux autres postés en arrière pour l'empêcher de reculer.  Ce n'est pas le vin à utiliser pour la recette .

Les écluses ou pièges à poissons


Autour de l’Ile de Ré, la population avait aménagé des pièges à poissons appelés aussi écluses.

Il s’agit de poches ceinturées par un mur en pierres sèches ; ces poches sont immergées à marée haute et elles se vident à marée basse.
L’eau rentre et s’évacue au travers de cette petite digue qui ne comporte pas de ciment. Pour en accélérer le remplissage et la vidange, il y a de petites ouvertures ou écluses qui comportent des tiges formant un treillage. L’objectif, bien sûr, est de piéger les poissons que l’on attrapera à marée basse avec un petit filet tenu par deux manches. Accessoirement, le pêcheur à pied a une sorte de canne en fer pour déplacer les poissons ou pour décrocher les mollusques car l’on ramasse aussi des coquillages (pas sur les murs, c’est interdit !).

Ces écluses au nombre de 115 à la fin du XIX° siècle ont failli disparaître et on ne doit leur survie qu’à la mobilisation des Rétais (les sédentaires, pas les touristes de Paris) qui ont travaillé à leur remise en état et qui organisent leur exploitation.

La hauteur du mur est réglementée et elle est régulière sur toute sa longueur. En effet, l’eau doit l’investir sur tout son périmètre, en même temps.
Imaginez un mur qui peut représenter 7 à 800 mètres de long, formant une grande boucle, avec trois ou quatre écluses. On peut en évaluer la surface à 8 hectares environ.
Construit en pierres sèches calées entre elles, le mur a une forme arrondie de façon à résister à la houle, ce qui ne va pas de soi, car la mer entame souvent la construction.


 
Chaque écluse porte un nom: nom de lieu, nom d’un saint, nom teinté d’humour: " la non prenante ", ou encore " la misère " …

Au XVII° siècle, COLBERT avait tenté d’en réduire le nombre.
Mais il s’est avéré que ces écluses étaient doublement utiles : nécessaires à l’alimentation des habitants de l’ile, elles formaient également une protection efficace contre la houle.
L’ile de Ré est,en effet, constituée de sable posé sur une plateforme rocheuse qui subit les assauts répétés de l’océan. Ce grignotage ininterrompu réduit la grève petit à petit.
De nombreuses digues, principalement à l’Ouest de l’île ont donc été construites.

Près du phare des Baleines, il reste une seule écluse, "Moufette", alors qu’il y en avait près d’une quinzaine il y a cent ans.

Les équipes rétaises composées de 3 membres se répartissent les tours de garde pour l’entretien et la pêche : deux fois par jour, à marée basse.
Le rôle des titulaires et de leurs suppléants, car les équipes sont bien organisées, est d’entretenir ces ouvrages assez fragiles, et accessoirement, de pêcher les poissons, ceux qui s’obstinent à ne pas regagner le large. Ils sont "aidés" pour celà par les nombreuses huitres fixées sur les murs de "Moufette" qui  consolident les parties les plus immergées. Encore du bénévolat !...

Lors de notre (trop) court séjour à Saint Clément des Baleines, nous avons admiré la volonté et l’opiniâtreté de ces hommes : par n’importe quel temps, tous les jours, quelle que soit l’heure du jour ou de la nuit, ils sont à pied d’œuvre : la marée n’attend pas !... Ces nouveaux "forçats" de la mer accomplissent là, avec joie, bonne humeur et une certaine fierté, oeuvre de sauvegarde du patrimoine. S'ils ne sollicitent aucune médaille à ce titre, ils aimeraient peut-être qu'arrive la relève: ce sont tous des seniors, il y a chaque année trois cent soixante cinq jours (et autant de nuits!) et par équipes de trois, le tour de garde revient souvent!...


Aurevoir Ré, aurevoir Mouffette, tu es dans de bonnes mains.
(Texte et photos de...ma moitié)

Merci beaucoup à JPF pour sa contribution : il me signale une erreur sur les heures des marées qui sont fluctuantes, indiquant que l'OT en délivre les horaires . Errare humanum est ... persévérer serait diabolique ! Je rectifie. Qu'il excuse les imprécisions involontaires d'une "continentale", qui n'a pas du tout entendu nier l'apport des nouveaux retraités, rétais d'adoption, à la sauvegarde du patrimoine commun.
J'en profite pour demander aux contributeurs de me laisser leur adresse mel pour que je puisse leur répondre directement.

jeudi 3 décembre 2009

Un dimanche en salle des ventes...

Je ne bois pas, je ne fume pas, je ne drague pas …
- et l’auréole, elle ne te serre pas trop ?...
- grr !...

J’ai quand même quelque addiction, j’aime lever la main … en salle des ventes le dimanche après-midi !

Ce week-end, donc, une vente était annoncée. Une vraie, une vente publique comme je les aime.



Pas de celles qui défilent à longueur d’heure, de jour et de semaine sur internet, et qui ressemblent à une vente aux enchères comme la décoction de gland de chêne grillé, pendant la guerre, ressemblait au café d’avant la guerre (j’ai pas connu, mais ma grand’mère en avait gardé le souvenir !) .

Conseils pour ne pas enchérir idiot.

Important, et à ne jamais, jamais, manquer : la visite préalable à la vente.
Un peu comme au marché, on voit, on examine, on mesure. Avec précaution, en présence du maître, on peut toucher. On peut aussi demander une fourchette d’estimations. Rien n’empêche non plus de "bosser", avant. Dès réception du catalogue, s’informer, rechercher le nom du peintre, sa cote, prendre des notes… Et si on ambitionne d'acquérir un meuble, ne pas oublier de prendre les mesures de son studio ...

Ainsi préparé, il est recommandé d’arriver avant l‘ouverture des portes.
La salle a été, elle aussi, préparée. Des rangées de chaises disposées de part et d’autre d’une large allée. Au bout de l’allée, sur une estrade surélevée, les officiants, commissaire-priseur, expert et collaborateurs, et la secrétaire aux doigts véloces qui tapera les procès-verbaux d’adjudication au fur et à mesure des enchères.
L’estrade domine l’assemblée, histoire d’en avoir une vue la plus large possible pour découvrir tous les enchérisseurs: les timides qui lèveront juste un doigt, comme les habitués qui se contenteront d’un signe des paupières en guise d’assentiment.

Donc, arriver en avance, jouer des coudes pour franchir la porte dans les premiers, choisir sa place.
Mais vite!... Car désormais, ici, tout se fera vite. Vitement même, aurait dit un ancien ardéchois de ma connaissance!
- mais on se croirait au théâtre !
- exactement !
Avec l’habitude, on croit connaître les meilleures places… Il n’y en a pas !
Si vous êtes, madame (ou le monsieur du chéquier de la dame) intéressée par les bijoux, s’asseoir au premier rang, ou en bordure immédiate de l’allée, là où sera présentée la perle rare, sur le plateau recouvert de velours. Présentée seulement, et vite, car maintenant plus question d’examiner la chose sous toutes les coutures, ni de poser des questions (…on vous l'a déjà dit! fallait pas manquer la première étape, celle de la visite préalable).
Les professionnels de la brocante se tiennent, eux, debout et en périphérie. Histoire pour chacun d’eux de surveiller et de marquer le confrère à la culotte.

Puis se déroulera la vente, selon l’ordre du catalogue. Ce catalogue où vous marquerez les prix, celui du départ et celui de l’adjudication. Les mains se lèvent, le téléphone sonne, souvent plusieurs enchérisseurs, donc plusieurs téléphones... Parfois des interlocuteurs étrangers. Ce dimanche, speak english please, because…l’enchérisseur est russe !
Un vrai spectacle !... avec des scènes à l'intensité "dramatique" ponctuées par le marteau d’ivoire. Ce marteau qui, tel le gong du ring, vous rendra vainqueur ... ou pas.
De l’émotion. Du stress. Car l’aléa est omniprésent. Cet objet, je le veux. Je peux l’avoir. Vais-je l’avoir ? ... Pas le temps de s’apesantir sur son manque de chance, c’est déjà le prochain numéro ! C’est presque un match ! L’expert détaille le tableau, dans la salle on se jauge du regard, le clerc fait monter la pression, crie : « Vous en voulez ? A ce prix, c’est pour rien !». Adjugé.
Et puis arrive la fin. Les heureux enchérisseurs s’agglutinent devant la caisse pour payer. Munis du bordereau d’adjudication, ils pourront repartir avec leurs trésors, petits ou grands, mais trésors pour lesquels le cœur a fait "boum"!

Qu’ajouter? Qu’un commissaire-priseur est un officier public, que sa compétence est reconnue et qu’il garantit la conformité de l'objet tel qu'il l'a décrit sur le proces-verbal d'adjudication. Cette garantie est décennale.
Une anecdote? L'un des frères Tharaud, écrivain, porta sur son testament le voeu que tous ses biens, meubles, tableaux, livres, bibelots, soient vendus aux enchères afin que tout un chacun ait la possibilité, comme lui-même l'avait eue, de ressentir le "frisson adjudicataire".

P.S. Je n'ai pas d'action, mais c'est vrai, j'aime bien mon commissaire-priseur.

mardi 24 novembre 2009

des chiffres et des lettres...


Il m’arrive d’aider ponctuellement – quand on me le demande – à des travaux de classement, de rangement ou de retranscription de données : tâches qui n’exigent pas de diplôme universitaire, mais de la patience et de l’humilité.
Ces deux qualités, patience et humilité, elles n’étaient pas particulièrement miennes, et je ne les ai pas beaucoup cultivées pendant ma carrière professionnelle.

Donc, ces jours derniers, retranscription d’écritures comptables dans le livre centralisateur. Moi qui ai toujours été fâchée avec les chiffres!... (maladie familiale que j’ai, hélas, transmise à mes enfants).
- Mais il ne suffit ici que de recopier...
- Certes. Cependant méfiance !
Quand on est à l’âge de la retraite, on est tous un peu presby-quelque-chose. Rien ne ressemble plus à un "8" qu’un "3" de mauvaise foi, et attention aussi à ce faux jeton de "0" qui voudrait se faire passer pour un "6" !
Méfiance donc. Y aller piano piano.
Patience, on vous dit.

- Transformer l’épreuve en exercice, qu’en penses-tu, toi, l’ancien enseignant ?

Et voilà comment je me suis surprise à essayer de bien écrire, à utiliser une graphie correcte. Et bien, ce n’est pas gagné !
Je croyais savoir tracer chiffres et lettres. Oui mais, la conjugaison de l’usage intensif du clavier et des années qui passent a produit quelques dégâts.
Exemple, les majuscules.
Qui sait encore écrire (dessiner ?) un h majuscule qui ne soit pas en caractère d’imprimerie ? J’attends … Il n’y a pas beaucoup de mains qui se lèvent !
Alors, moi, au cours des heures, j‘ai tenté vaillamment, ou plutôt vaille que vaille, d’écrire correctement tous les mois de l’année, en majuscules bien sûr.
Janvier m’a donné du mal, mais arrivée à Juillet ça allait mieux… Novembre fût une catastrophe, même répété vingt-quatre fois, ce n’était pas brillant. J’aurais pu me rattraper avec le mois de Décembre, mais désolée, on n’y est pas encore, je n’y ai pas eu droit !
C’est un peu facho dur, ce que je vais dire, mais il me semble qu’on devrait rétablir – non pas la fessée – mais les lignes … Oui, celles qu’on nous donnait en punition…

- Tu me feras deux pages de « h » majuscules
- Et puis aussi deux pages à recopier, avec les caractères attachés, a-tta-chés , tu as compris ?

Et si le N majuscule de novembre m'a laissé de mauvais souvenirs, que dire de ses lettres "br" attachées, ou encore du "vr" de notre ami Février!... Essayez et vous m’en donnerez des nouvelles.
Humilité, donc.

Pour Noël, je vais demander à mon barbu préféré un ou deux cahiers (pas plus, ça devrait suffire), cahier d’écriture avec des lignes, et surtout, sur les pages de garde, de jolis modèles de majuscules à reproduire (un cahier de broderies scripturales, quoi!)

Allez, je repars tracer mes chiffres et mes lettres.
Et ne me plaignez pas. "... il faut imaginer Sisyphe heureux".

lundi 23 novembre 2009

la carte figurée du sévéragues


«Le feu et le lieu, la baronnie de Sévérac le Château à la fin du Moyen-Age », tel est le titre de la thèse de Juliette Dumasy présentée en 2008 à l’Université Paris I.
Samedi 21 novembre, avec sobriété et talent, l’historienne sut nous proposer l’essentiel de la première partie de ses travaux (un pavé de 688 pages, dont une centaine d’annexes !...).
Le support de cette étude de l'habitat rural dispersé du Moyen-Age est la carte figurée du sévéragues ( document découvert dans les archives de l’Aveyron il y a quelques années seulement).

Pourquoi cette carte ?
A cette époque, en 1504, Rodez et Millau trouvaient que le fouage ( impôt levé sur chaque feu ou unité familiale) était mal réparti ; n'arrivant pas à faire triompher leur thèse devant la juridiction du Rouergue, ces villes assignent la baronnie de Sévérac le Château devant la Cour des Aides de Montpellier. L'objectif est de démontrer que Sévérac est riche, et doit payer le fouage en conséquence, ce qui diminuera d'autant leurs propres impôts !... les affreux jaloux !

Qui a dessiné cette carte ?
Faite sur commande pour servir de preuve dans ce contentieux fiscal, elle aurait été établie par un notaire de Millau (il a été rétribué pour ce travail).

Sur la carte, les villages et les hameaux ont été positionnés d’abord à partir des cours d’eau, et ensuite à partir des buttes ou sommets. Si les perspectives et les distances semblent parfois assez fantaisistes, en revanche, le nombre de maisons des hameaux est exact. Pour Sévérac, toutes les maisons n’ont évidemment pas été dessinées, mais le plan général nous paraît juste, puisqu’il peut se recouper assez facilement avec la structure urbaine confirmée, plus près de nous, par le cadastre napoléonien.

Cette carte figurée du sévéragues, fut étudiée par la jeune universitaire qui sut en extraire un certain nombre de types d’habitat : simple, composé, avec dépendance etc., et un certain nombre de types d’architectures ecclésiales : à clocher défensif, avec bouche à feu dans le mur, porte au sud, porte à l'ouest... le tout selon le lieu, dans la vallée ou sur les causses.
Des villages sont d’origine castrale (Sévérac…), d’autres d’origine ecclésiale (Lapanouse…), tandis que sur les causses, les chefs lieux de paroisse (Inos, Novis, Le Recoux…) sont des hameaux autour de l’église, mais pas des villages.

Une autre partie de cette étude s’articulait autour du compois de 1450, document original en ce sens qu’il a permis de faire le lien entre les surfaces cultivées et les moyens d’exploitation. Nous apprenons qu’avec deux paires de bœufs on cultive 20 sétérées soit environ 5 hectares, et que 66% des terres sont en culture bisannuelle (1 an de culture /1 an de repos).
A partir de cette époque également s’établissent les règles successorales de primogéniture, raison de la très forte stabilité des feux.

Dans la salle de la Société des Sciences Lettres et Arts de l' Aveyron, toutes les chaises étaient occupées et cette communication, relativement courte (45 minutes) mais dense, jamais ennuyeuse, réalisée avec l’aide d’un rétroprojecteur, a vraiment intéressé tous les auditeurs, sociétaires ou invités .
Pour ma part, je n'ai qu'un regret : le nombre restreint de sévéragais dans l’assistance. Nous étions sept !...

(La photo est extraite de la Revue du Rouergue)

jeudi 19 novembre 2009

Chat suffit ! ...


Autrefois, nous avions un chien, un brave corniaud, baptisé Dalloz (ben oui, vous êtes chez des juristes !). Pas doué pour la chasse, notre Dalloz, et pas très enthousiaste non plus pour rester attaché à la garde de la maison. Mais il adorait les câlins, ceux de ses maîtres, et aussi ceux des copines du quartier qui le lui rendaient bien. Tellement bien qu’un jour, un voisin sonna à la porte avec dans ses bras plusieurs petits toutous qu’il nous présenta ainsi : "votre cheptel" !
Les gens du village n’étaient pas tous juristes (on l’aurait su), mais tous, ils regardaient la télé, et c’est ainsi que notre brave corniaud fût, par eux, rebaptisé «Dallas»…
Une voiture tua Dalloz dans la force de l’âge. Depuis, et pour la paix du voisinage, plus de chien.

Dans notre nouvelle maison, il y avait des souris. Elles n‘étaient pas à nous, mais elles faisaient comme si elles étaient chez elles. Inacceptable. Ca ne pouvait pas durer.

Nous eûmes donc un chat.

Confié tout bébé par un voisin, nous avons bien pris soin de lui. Il a grossi, il a grandi, et un jour, devant le portail d’entrée, il nous a présenté sa copine.
Pour éviter l’infestation par les puces et les tiques de l’été, nous avons offert à notre chat (celui d’origine) un collier jaune, et à Cayenne sa copine au pelage rayé de gris, un collier bleu. Chouette, s’est dit la coquine, me voici adoptée, maintenant je suis ici chez moi !

Les spécialistes des animaux domestiques vous le diront tous: le chien s’attache au maître, tandis que le minou investit, lui, dans l‘immobilier... Nous vérifions cela tous les jours.

Un chat ça va, mais deux, bonjour les dégâts!
Un matin, devant la porte de la cuisine, Cayenne nous a présenté sa progéniture. Elle aussi !
Et sur mon pense-bête, est écrit : Prendre contact d’urgence avec le vétérinaire. A défaut envisager un ou plusieurs caticides.

La semaine dernière, lors d’un repas avec des amis du Sud-Aveyron, on m’a proposé d’accueillir un âne. Un âne gentil, affectueux, docile, et tout et tout… et même deux si on voulait, deux de la même famille!
- Savez-vous que cet animal vit environ cinquante ans !
- Ah bon ! Vraiment ? Vous êtes sûr ?
L’œil noir et furibond de mon mari tua dans l’œuf toute tentative de négociation. Le message était clair : c’est eux ou c’est moi !…

A lire :
C. Baudelaire (Les Fleurs du Mal) : Les chats
"Les amoureux fervents et les savants austères
Aiment également dans leur mûre saison,
Les chats puissants et doux, orgueil de la maison, …"

lundi 16 novembre 2009

Le Pin


Accroché au flanc de la colline, tel un arapède à son roc, le hameau se découvre tout d’un coup, au détour du dernier virage de la route, juste avant le pont de Camps.

Enfin, ça c’est quand on fait la route en remontant l’Orb, de Roquebrun vers Vieussan. Car, si vous faites le trajet dans l’autre sens, il y a gros à parier que vous ne verrez pas l’embranchement…

A regarder la photo prise par Delphine, je constate que sa forme reproduit graphiquement celle de la tour, la Tour du Pin, qui domine le paysage, la base plus large comme enracinée au bord du frais ruisseau, et le sommet du triangle vers les nuages.
C’est (un peu, beaucoup) MON village. L’endroit où j’ai conduit tous ceux que j’aimais, car ici je n’ai que des souvenirs heureux.

Le Pin, c'est d’abord un certain silence : la rue principale est étroite, elle vire entre les maisons, passe sous les porches et maintient avec constance une pente qui fait réfléchir les chevaux vapeur.
Les autres rues, les non- principales, elles tournicotent aussi, et, en plus, elles ont des marches !

Silence vous avez dit?... Oui et non.
Depuis la route, celle qui va au Lau, j’emprunte l’escalier à la rampe de fer jusqu’à la placette, près de la maison de Solange, où la porte de la boulangerie-épicerie est toujours ouverte : mais était-ce la porte de droite ou celle de gauche ? Si les yeux ont oublié, la mémoire olfactive est là : l’odeur du pain sorti du four à bois… vite, acheter ma boite de lait concentré sucré et continuer à grimper, saluer Maria qui interpelle bruyamment depuis la terrasse en surplomb du virage, donner une pichenette à la plus effrontée des chèvres qui passe son museau au-dessus de la petite porte en retrait … ici, une autre placette avec des cris d’enfants provenant de l’extrémité ouest : c’est la minuscule école, la cour de récréation cimentée, le poteau de la corde à grimper en son milieu, et l’ourlet du mur tout autour, largement ouvert sur l’escalier. Continuer, passer sous le porche de la maison de Hugues, étancher sa soif au robinet de la petite fontaine publique, tourner devant la maison de Léa, à l’endroit exact où le boulanger itinérant faisait «étape» avec sa corbeille remplie de pains et de coques, encore grimper pour arriver enfin devant l’église : même la place de l’église est en pente !
Enfin, pas tout à fait : entre la grande porte et le petit jardin où veille encore Jésus par dessus les broussailles, se trouve un petit espace délimité par un mur en demi-cercle, cimenté et bien plat. En 1944, alors que l’Europe s’entretuait, l’abbé Lucien Larroudet, curé du lieu, permit aux jeunes du hameau d’y danser, au grand dam des bien-pensants qui ne surent dire que « vraiment, les jeunes, c'est pas le moment, alors que d’autres donnent leur vie etc. etc. »

Mais je vois que je m’égare, où sommes-nous: en 2009, en 1944, ou lors de mes dernières vacances au Pin ?...

Vrai que le silence fait partie des lieux. Le café d'Aimé Miquel a fermé sa porte. Plus d’épicerie, ni de boulanger – fût-il en tournée. L’église ne s’ouvre que pour un enterrement. Ou bien alors, quand quelque «fêlée» en demande la clef, à la poursuite de ses souvenirs.
Ce jour là, les souvenirs avaient l’odeur du salpêtre sur les murs, du moisi ambiant et luisaient de l’humidité des grandes dalles du sol...Tiens, la grosse corde qui pendait depuis le haut du mur pignon, à travers la rosace jusqu’au clou, est toujours là, la cloche n’a pas dû être électrifiée, mais la nonna qui tous les jours traversait la place pour sonner l’Angélus est partie, elle aussi… Ce jour là, ces souvenirs à l’odeur de renfermé, ils avaient aussi le goût salé des larmes.

Le Pin, c’est aussi les fleurs. Il y en a partout. Des géraniums (pelargonium! dirait mon cousin pisse-vinaigre) bien rouges se détachant sur le schiste des murs, des pommiers d’amour (en langage savant, c’est quoi cousin ?) qui poussent spontanément au détour de la rue. Et dans toute la partie du hameau située au dessus de l’église, les fleurs d’Annette. Annette, quatre-vingt printemps et des doigts toujours verts. Annette qui sème, plante, nettoie et entretient tous les jours, au bénéfice de tous ceux qui passent là.
Léa n’est plus là, elle qui avait le quasi-monopole du fleurissement des autels de la paroisse : elle cultivait pour cela un jardin près du lavoir, au bord du ruisseau, en contrebas de la route. Léa, vieille demoiselle, n’avait pas laissé d’indications sur sa parentèle. Un généalogiste dût chercher longtemps ses «ayants-droit». Léa qui dort son dernier sommeil, au milieu de "sa" vigne, maintenant arrachée, dans "son" tombeau du bord de la route sous des enchevêtrements de ronces. Rêvons que sur ces ronces, un jour, fleurissent les mêmes roses qu’au jardin du lavoir.

Puisque nous sommes à nouveau sur la route, sur le chemin du retour, faire une courte halte à Géminian, petite chapelle rustique qui abritait une très belle vierge de bois doré. En son honneur, le père Larroudet avait composé un cantique émouvant . Il est vrai que le lieu s’y prête :
"…De ton bien-aimé sanctuaire/ Tu regardes à tes pieds/ Couler la belle rivière/ Fleurir les amandiers/ Verdir nos belles vignes / Passer le pèlerin …"

Arrivé là, vous avez le choix : soit remonter le fleuve, visiter le trés beau village de Vieussan et admirer le Caroux,  montagne de lumière, soit  descendre l' Orb, (en canoé, chiche!) jusqu'à Cessenon, en passant par Ceps (point de chute ministériel, mais il s'agit d'une "huile" nordique!) et Roquebrun .

A lire:
Vieussan .Une commune au XIX° siècle (P.Caminade , JP Comps, M. Scanzi)
Photos D.B.

dimanche 8 novembre 2009

Malevil, deuxième.



J’ai déjà dit combien j’aimais Malevil, le livre de Robert Merle. Et combien son adaptation cinématographique (1981?) m’avait déçue.

En partie à raison du casting : si Jacques Villeret et Jacques Dutronc habitaient vraiment Momo et Thomas, à mon sens, Michel Serrault n’était pas Emmanuel. L‘habit était trop grand pour lui. J’aurais bien vu un acteur comme Gabin ou Ventura, quelqu’un qui soit, de prime abord, la force et la confiance, mais les deux étaient déjà partis pour un monde meilleur. Alors qui ? Philippe Noiret? maintenant parti lui aussi,  André Dussollier?  moui, peut-être, sais pas...

Ce Malevil première moûture, je n’en ai pas, non plus, aimé la fin : le bruit des rotors de l’hélicoptère en mission de sauvetage des survivants ...
La fin du bouquin est autrement plus enlevée, plus riche de sens, fut-il désespéré. A Malevil, sans Emmanuel, les rescapés sont au seuil d’une nouvelle étape : ils viennent de décider la mise en fabrication de balles pour les fusils …
Et puis parlons des décors : un peu (très peu) des Bourines, magnifique château qui fut aux moines d’Aubrac, et beaucoup (beaucoup trop) de Larzac aménagé en carton-pâte. Fin. Tombe le rideau .

Et voilà que pour 2010, France 3 réalise un Malevil bis, mis en scène dans le sud-Aveyron, du côté de Camarès.
Les décors me plairont, je le sais.

Comme disent les anglo-saxons, je suis tombée en amour de Montaigut voici plusieurs années. Le site, fléché depuis Saint Affrique par deux routes différentes, permet à l’automobiliste de zigzager, pas trop tout de même, vers la plaine du Camarès. Après la traversée du village de Montlaur, on atteint la cuvette du rougier où se découvrent l’éperon de terre rouge et, en même temps, le château. Comme si les deux, bâtisse et fondation de pierre, ne faisaient qu’un. Cette impression s’accentue encore lors de l’approche. Il vous faudra terminer à pied : certaines choses, rares, se méritent…
Ce château, on l’aborde de dos. Il y a là, plantés sur le roc, des hauts murs dont il faut faire le tour. Et c’est alors le choc visuel : la porte de Montaigut ne ressemble à aucune autre. Les dimensions modestes du château-fort, on pourrait presque dire à taille humaine, se trouvent magnifiées par une sorte de voûte–ogive extérieure, étroite, s’élevant au milieu de la façade presque jusqu’à la toiture. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si la plupart des brochures touristiques exploitent cette vue.

Force et sobriété, c’est ici toute la beauté de Montaigut.

Au premier niveau, à droite de l’entrée, des tombes creusées dans le roc, récemment découvertes, s’offrent à la vue des touristes qui cheminent au-dessus, sur de grandes dalles de verre. Ici, musique, textes et lumières, en totale harmonie.
Côté opposé, les réserves, au-dessus d’une grande citerne creusée dans la pierre. Une corde permettait de hisser les provisions ou les seaux d’eau jusqu’au niveau supérieur de la cuisine. La voûte est haute, les murs sont épais, les ouvertures rares et étroites. «Le meilleur des frigidaires, dit la Menou, qui y garde [les] conserves et, pendue aux voûtes, la charcutaille».

Pas de doute, c’est bien ici Malevil.

Le jour de l’évènement, Emmanuel aidé de ses amis, de la Menou et de Momo, est occupé à «tirer son vin» dans la cave tout en discutant des prochaines élections municipales, quand survient le cataclysme. Thomas venait juste de les rejoindre, refermant avec soin les deux lourdes portes de chêne derrière lui. Et voilà le décor planté : des survivants dans une cave passée en quelques secondes de 13 à 70 degrés Celsius. Au dehors, un océan de feu. Et, passé l'effroi, toute la vie à réapprendre.

J’ai un espoir. Montaigut va donner le meilleur de lui-même pour que ce film soit le reflet le plus fidèle possible, non pas du mot à mot, ni de l’histoire elle-même – mais de l’esprit, de l’émotion de Malevil. De l'atmosphère de Malevil.
Les acteurs ? Sur les lieux, on a aperçu Anémone. Quel rôle pour elle? Celui de la Menou? On parle aussi de Bernard Yerles.
Rendez-vous en 2010 devant l’écran. Une chose est certaine: les paysages du sud-Aveyron y feront plus que de la figuration.

Et vous, si vous commenciez par lire, ou par relire, Malevil ?

(photos DDM et MDS)

mercredi 4 novembre 2009

Premières Assises Culturelles de l'Aveyron




Mardi 27 octobre 2009, le Président du Conseil Général avait convié le monde culturel du département pour débattre des enjeux … de la culture.
Les intervenants étaient de qualité, des universitaires spécialisés en ce domaine, et en «guest star*» Madame Valles-Bled, Conservateur du musée de Lodève. Philippe Meyer animait les débats, ce qu’il fit fort bien comme à l’accoutumée, mais il alla bien au-delà de son rôle, sachant faire rebondir et élargir les échanges avec la salle.
Voici ce que j'en ai retenu, mais il y eut beaucoup plus que cela .

«C’est un chantier qui s’ouvre… » nous dit le Président du Conseil Général, phrase maintes fois prononcée.

Le cas de Lodève donne à réfléchir tant il est exemplaire (au sens propre du terme) quand on parle de l’influence de la culture sur le développement économique local.

Le musée de Lodève est récent: 1987, donation d’un amateur en archéologie, et le passage à la vitesse supérieure est encore plus récent. Le «déclencheur» c’est 1995. Un choc énorme pour cette petite ville : l’annonce de la fermeture de la COGEMA.
Dès 1996, la municipalité décide le recrutement d’un conservateur de musée pour « provoquer un électrochoc économique et social et redonner de l’espoir ». De 1997 à 2009, 600.000 personnes ont franchi les portes des grandes expositions de l’été. Une moyenne de 400 visiteurs par jour (sur 107 jours d'expo).

Electrochoc avez-vous dit ?

Le défi était grand : 7.400 habitants, taux de chômage 19,1%, et aussi - pourquoi le cacher - une cohésion sociale difficile.

Lodève partait de rien, mais avait un patrimoine important. On pouvait tenter de comparer avec Céret dans les Pyrénées Orientales, petite ville avec une très forte politique culturelle mais avec plusieurs statures d’importance dans le domaine culturel : Picasso, Soutine et tout près Pablo Cazals…
Ce n’était pas le cas à Lodève où il fut nécessaire de trouver des partenaires pour démarrer et définir une politique culturelle ambitieuse avec le souci essentiel de ne jamais s’éloigner du public. Le musée, acteur culturel, a un public varié, il doit donc livrer un certain nombre de clefs aux gens qui ne sont pas spécialistes.

Le professeur Lefebvre a su «tempérer» en évoquant le cas de Redon, commune très riche en associations, et … sinistrée au plan économique. Incitations à la prudence donc, s’il faut parler de retombées financières. Distinguer les ressources des actifs, l’actif étant la ressource mise en mouvement, faire en sorte que toutes ces ressources deviennent des actifs. Et que des territoires modestes trouvent un ciment dans la culture.
Les universitaires intervenants ont conclu en rappelant que si les facteurs immatériels sont très importants, pour que lève le pain, il faut qu’il y ait AUSSI, intervention économique publique.

Pour que « ça » marche, il faut donc appliquer le postulat des 3 P :
- une volonté Politique
- l’intervention de Professionnels
- l’accord de la Population

Dans la salle de nombreuses mains se sont levées, celles de Christophe Liron (Millau), de René Duran, de Roland Laurette (Mostuejouls), de Madame de Barrau (les VMF), d’un artiste en résidence à la MJC de Rodez… qui ont permis d’aller plus loin sur le chemin, indiquant qu’il fallait soutenir la création artistique ET la politique culturelle, faciliter l’accès à l’art, prendre en compte la diversité artistique, et aussi attirer les jeunes vers les pratiques culturelles.

D’autres se sont tus qui auraient pu dire une expérience qui dure : Michel Wolkowitsky était là, et nous pensions à Sylvanès qui parle au cœur des aveyronnais, et bien au-delà.

En résumé, une réunion de gens qui se sont tous sentis concernés. Merci pour ces premières Assises culturelles de l’Aveyron. Qu’il y en ait d’autres.
Et si l’exemple de Lodève ne peut évidemment pas faire l’objet d’un trop facile copier/coller, il y a là cependant, me semble t’il, un motif d’espoir pour entreprendre.

On vous l’a dit et redit, c’est un chantier qui s’ouvre, tous les artisans y ont leur place.

J'avais, à titre personnel, préparé une petite intervention. Mais la qualité de ceux qui ont parlé m'a fait renoncer .Voici cependant ce que je voulais dire.
On ne peut, évidemment pas, décréter que la culture est un remède à la crise: ce serait in-dé-cent-.
Mais je peux affirmer, pour l'avoir vécu, et pour le constater encore dans mon proche environnement, que la culture est un remède au handicap. Dans la Maison des Consuls, et dans les rues de notre cité médiévale, viennnent des touristes "différents". Différents, mais heureux, car accueillis non pas comme des handicapés, mais comme des acteurs culturels. Pour certains, le temps de la visite, c'était le temps d'être ailleurs (et comment ne pas faire le triste parallèle avec l'ennui et le sourire désabusé affichés par certains scolaires!...) . Pour d'autres, c'était le moment de nous faire partager leurs émotions, et je pense à une jeune femme, mal-voyante peut-être, mais qui sut "lire", mieux que nous tous, ce qui était gravé sur un chapiteau.
Et j'ai rencontré aussi tous ces gens, plus âgés c'est vrai, mais atteints par la presbyquelque-chose, que ce soit au niveau de la vue ou de l'ouie (et ça vous arrivera aussi...dès la quarantaine parfois!...) qui découvrent la culture, comme d'autres découvrent la passion tout court : y-a-pas d'âge pour cela. C'est un nouveau public pour la lecture, pour le musée, pour la vie culturelle tout simplement . Alors, accueillons-le.

Qu'est-ce qu'ils disent nos politiques en concluant leurs interventions ? Ah oui : "J'espère que je n'ai pas été trop long..."

vendredi 30 octobre 2009

L'âne de BERZEME


Voici un texte écrit par ma moitié. L’histoire a eu lieu en Ardèche, mais le quadrupède étant aveyronnais, nous la classerons donc dans la case «entre 12 et 07».

Cette histoire remonte aux années soixante et avait amusé tout le Vivarais.
A cette époque, beaucoup d’agriculteurs du Massif du Coiron élevaient des chevaux. Les Haras de RODEZ avaient une station de monte à BERZEME où ils envoyaient chaque année des étalons.
Cette année là, le dépôt avait accueilli notamment un magnifique âne, grand et fort.
Les propriétaires d’ânesses, et ceux de juments qui voulaient obtenir un mulet, se réjouirent de l’arrivée de cette excellente bête et commencèrent à amener leurs animaux.
Et … rien !
L’âne ne s’intéressait nullement à ces ânesses. On lui en présenta plusieurs, en vain. Toutes les tentatives furent des échecs et les propriétaires en étaient très contrariés.
Cette nouvelle parcourut rapidement le pays et ses environs, tout le monde voulut voir cet âne incapable de satisfaire une ânesse.

Même le facteur voulut voir le phénomène.
A l’époque, le courrier était livré le plus souvent à bicyclette par des préposés en habit règlementaire.

Le facteur s’approche de la bête à qui l’on présentait une énième ânesse.
Notre âne aperçoit l’homme de lettres avec casquette et tenue. Et là, à la surprise générale, il s’exécute et accomplit sa saillie.
En fait, l’animal ne supportait pas d’être servi par des gens sans uniforme. Même pendant ses activités estivales, il lui fallait l’environnement sécurisant des employés en tenue des Haras de Rodez.
A partir de ce jour là, l’employé porta régulièrement veste et casquette, chaque fois que l’animal était sollicité, et la saison s’écoula désormais sans problème.
L’histoire ne dit pas si les rejetons eurent la même addiction.

Où va donc se nicher le prestige de l’uniforme !...

mardi 27 octobre 2009

Il existe bien des tomates"de Sibérie" !

Nous sommes des adeptes de … l’expérimentation.

Pas en tout, évidemment. Mais, il est vrai que dans beaucoup de domaines, scientifiques notamment, le progrès a parfois résulté du hasard.

Démonstration.

Là où je vis, que certains – que je ne nommerai pas, suivez-mon regard – qualifient de "Sibérie", nous avons planté des melons. Oui, oui ! Bien sûr, on a sauté l’étape du plançou maison, et il n’a jamais été dit que nous visions un nouveau créneau pour l’agriculture locale… Sagement alignés, plantés au pied du rempart du château (quinze mètres de pierres jouant le rôle d’accumulateurs de chaleur) nos melons ont prospéré à leur rythme. En 2008, vaillamment, ils ont tenu à assurer quelques entrées de nos repas au jardin. Bien. Nous avons aimé les compliments. Un peu dubitatifs quand même, les compliments : la confiance ne régnait pas. Il fallait confirmer l'essai. La saison 2009, quoique chaude, n’a pas été du même niveau. D’honnêtes fruits à la canicule. Et puis, début octobre, la surprise : 37 exemplaires de la taille d’une boule de pétanque, et plus. Oui, mais qu’en faire?... Les laisser mourir de froid?... Nous avons opté pour la récolte immédiate en "prématurés". Oui, mais à nouveau, qu’en faire?... Soyons fous, tentons l’expérience confiture!... Certaines "bonne-mères" déclinent bien les tomates vertes en bocaux… Bof!… C’est alors que je trouve sur le net une recette venue d’Afrique du Nord qui recommande, en pareille matière, de ne pas employer de fruits trop mûrs ! C’est bien le cas !... Cependant prudence, commençons petitement . Voici donc le challenge : Deux kg de fruits lavés, pelés, épépinés, tranchés très finement, ce qui fait environ 1,3 kg de pulpe (le reste, au compost !). Sucre : 1kg + 2 ou 3 sachets de sucre vanillé. Ajouter aux fruits un citron vert lavé, non pelé, tranché finement et coupé en petits morceaux. Verser le sucre sur le tout, et au frais dans mes escaliers, pour la nuit. Le lendemain, égoutter les morceaux et faire cuire le sirop environ 30 mn à feu très modéré. Ajouter ensuite les pulpes + 1 morceau de beurre (c’est le truc pour ne pas avoir d’écume, mais si les puristes veulent éviter le beurre et écumer, je ne les en empêche pas) et faire cuire à petits, petits bouillons jusqu’à ce que le sirop soit…sirupeux, mais les fruits pas réduits en purée, non plus. Ici, j’avoue ajouter ½ sachet d’agar-agar.
Mettre en pots.
A ce stade, attendre - comme moi - un cobaye, pour goûter.

vendredi 23 octobre 2009

La fin du mois d'octobre approche. Et donc le 1er novembre, avec ses rituels...

(Sur le fronton extrait de l'Epitre de Saint-Paul à Tite )


J’ai toujours «fréquenté» le cimetière de mon village natal.
Pas avec tristesse, non. Avec nostalgie, certainement.
J’en aime le calme, rompu seulement du bruit du vent qui fait ployer les hautes silhouettes des cyprès (lesquels sont à ce jour bien malades).
J’en aime les "chapelles", à l’architecture maniérée et kitch.

J’ai souvent poussé la porte de fer d’un de ces monuments, non pas pour monsieur de S... qui y dort, apparemment abandonné depuis longtemps par les siens, mais tout simplement parce que les instruments nécessaires au nettoyage des tombes du quartier squattaient ce lieu !... Et c’est ainsi que j‘ai commencé à «parler», à échanger avec les occupants… Que personne ne rie, je ne crois pas être psychologiquement fragile, ni soumise à la tentation morbide, ni particulièrement nécrosophe... Quoique…

C’est le moment d’avouer : j’aime bien les cimetières.
Cela vous semble suspect ?
Est-ce qu’on trouve suspects tous ceux qui - nombreux- inspectent les archives, vieux grimoires et autres registres municipaux ou paroissiaux? C’est pourtant, là aussi, le goût du passé (et peut-être un certain dégoût du présent) et il n’y a pas que les retraités qui s’y adonnent.
La promenade (mais oui !) me permet de remonter le temps, d’évoquer le visage, la vie ou quelques anecdotes de ceux que j’ai connus. Mais aussi de certains que je n'ai pas connus, mais qui ont laissé une trace dans notre environnement. Par la renommée, le talent ou l’histoire.

C’est ainsi que j’annote régulièrement, au gré de mes rencontres, le « guide des cimetières ». Pour vous, en exclusivité, première livraison:

Vous souvenez-vous de Gérard Sire ? Il avait commencé par inspecter les impôts (tout mène à tout, il suffit d’en sortir) avant de devenir, avec son compère Jean Yanne, animateur de radio plein d’humour, l’Oreille en coin, acteur et puis écrivain de délicieux «Contes pour rêver». Il repose là, depuis 1977, à quelques encablures des miens, tombe ornée d’une plaque émouvante, mais gravée par un professionnel fâché avec la grammaire!... Dernière pirouette d’un homme attachant.

Et François André, le connaissez-vous ? Non? Né à Rosières, petit village de l’Ardèche, il fut l’inventeur (au sens littéral du terme) des stations balnéaires de La Baule et de Deauville. Ca ne vous dit toujours rien? L’empereur des casinos? L’entreprise devenue Groupe Barrière ? Ah oui, ça y est !… Il avait baptisé la grande plage de La Baule du prénom de son épouse, Marie-Louise. Sur sa tombe, à Rosières, un dernier message aux accents fort authentiques des employés de ses établissements.

Terminons la série de portraits par Fernand Pouillon, architecte génial de la reconstruction du Vieux Port de Marseille et des 200 à Aix-en-Provence, qui connut la prison parce qu’il était à la fois archi et promoteur ! … c’était un autre temps !
Il restaura le château de Belcastel, donnant ainsi un essor certain à ce bourg devenu un des plus beaux villages de France. Depuis 1986 c’est sous un simple tertre anonyme qu’il regarde -de loin- ce qu’est devenue sa dernière œuvre, lo bel castel. Qu’aurait-il pensé de cette récente émission de télé où l’on parla abondamment du village, du château et de ses nouveaux propriétaires, des américains qui apprécient les tripoux (Oh my God!) et … c’est tout. Rien sur Pouillon.

C’est alors que me revient en mémoire l’épitaphe d’un anonyme citée par B. Beyern : « Enfin seul ».

A lire, pour aller plus loin:
- Gérard Sire : Contes pour rêver
- Philippe Bouvard : Histoire d’une famille
- Etudes Aveyronnaises 2003: Fernand Pouillon, l'humaniste et les technocrates par Robert Taussat (Société des Lettres Sciences et Arts de l'Aveyron)
et enfin:
- Guide des cimetières en France, rédigé par celui qui se baptise lui même "enfant de la dalle", j'ai nommé Bertrand Beyern.

jeudi 15 octobre 2009

C'était Monsieur Fenaille



Micro-trottoir :
- «Fenaille, c’est qui pour vous ? … ? …mais encore ? »
Pour un sévéragais, ce nom évoque l’ancien sanatorium devenu Centre Médical Maurice Fenaille, pour un ruthénois, c’est le beau musée de l’Hôtel de Jouery .
- Un peu court quand même !.... Et puis je n’ai pas demandé « c’est quoi ? » mais « c’est qui ? ». Nuance.

- Oui, mais toi, madame-je-sais-tout, qu’en dis-tu ? Et pourquoi cette question, aujourd'hui, sur ce personnage? Sauf erreur, il ne fait pas partie de tous ces mal élevés, nouveau, ancien ou futur ministre, qui, ces derniers jours, squattent nos salons via la télé.
Maurice Fenaille n’a jamais fait la une des journaux pipole. Rappelons qu’il était né en 1855, qu’il est décédé en 1937, et qu’il ne peut donc pas hanter notre actualité. Sauf que...
Sauf que, dans l’été, je découvre sur papier glacé l’annonce d’une agence immobilière spécialisée, oui ma chère, dans les demeures d’exception. Les photos ne laissent aucun doute: le château de Monsieur Fenaille est à vendre !...
(Evacuons les soupçons : je ne suis pas intéressée, je n’ai nullement les moyens d’acheter ni d’entretenir un tel pied à terre)

Maurice Fenaille avait acquis ce château pour l’offrir en cadeau de mariage à son épouse, Marie Colrat, qui était née en ce lieu. Magnifique présent ! De la pierre ! pas celle vendue à l’unité et montée en bague de fiançailles…
Il est vrai que l’heureux époux a des moyens. Fils de son père, il gère la société Fenaille et Despeaux, exploite la « saxoléine » et accompagne le développement de l’entreprise qui deviendra – plus tard – Esso Standard.

Mais cette fortune ne sera jamais celle d’un Harpagon.
Riche, c’est vrai ; érudit, vrai aussi, mais surtout généreux, tel sera Maurice Fenaille.

La première guerre mondiale faillit lui ravir un fils, Pierre, qui échappa à la mort lors d’un combat aérien dans la Somme. En guise de reconnaissance, l’industriel financera la reconstruction du village détruit, et un petit-fils Fenaille reçoit alors le prénom de Cléry, du nom de ce bourg qui va renaître de ses ruines.

Toujours 14-18. Maurice Fenaille ouvre aux soldats réformés son école d’agriculture de Montagnac, qui devient un centre de rééducation pour les mutilés afin de « rendre la terre à ceux qui la cultivent et qui, en la défendant, ont versé leur sang».

Sur notre territoire sévéragais, à l’air pur du col d’Engayresque, il fait construire la station sanitaire où nombre de soldats viennent se reposer. Il en assume l’entretien, la direction, puis l'offrira au département. Clefs en main... Cet établissement est aujourd’hui un des premiers employeurs du canton.

Il osera créer, sur sa propriété de Zénières, un atelier de fabrication de tapis au point noué, accueillant et formant de nombreuses jeunes aveyronnaises à un métier artistique valorisant. Quand on feuillette le catalogue «Le Point Sarrazin», on peut juger de la beauté des tapis proposés, reflets d’une création inspirée par le Moyen Orient, par la Chine mais aussi par les grands ateliers classiques français (la Savonnerie). Ces œuvres témoignent d’un savoir-faire local que Monsieur Fenaille a contribué à éveiller.

L’évocation de Maurice Fenaille ne saurait être complète sans présenter le mécène. Aussi généreux que discret, nous dit-on. Ce qui est plus rare.

C’est à un affichiste qui deviendra célèbre, Jules Chéret, qu’il confie l’illustration des publicités pour la Saxoléine, le pétrole sans odeur ! C’est à Eugène Viala, le peintre de Salles Curan, qu’il confie le soin de rechercher et de concevoir des cartons, modèles pour les tapis de Zénières. Viala qui trouvait asile chez son protecteur.
A une époque où n’existaient pas les aides publiques aux créateurs, l’industriel sait encourager et faire prospérer les talents.
Certes, Rodin ou Bourdelle étaient des artistes reconnus, mais les commandes particulières contribuaient à leur liberté, à leur indépendance.
Amis de Maurice Fenaille, ils trouvaient, chez lui et en Aveyron, des lieux de séjour leur permettant de se consacrer à leur art, dans un cadre exceptionnel. En ce sens, on pourrait dire que notre homme a inventé les résidences d’artistes (oui, les mêmes que celles – fiscalement moins indolores - qui font l’orgueil de nos édiles au XXI° siècle !)
Elargissant cette générosité, Maurice Fenaille sut aider les musées français à enrichir leurs collections d’œuvres majeures.
A la Société des Lettres de l’Aveyron, en 1929, il transmet l’Hôtel de Jouery, élégante demeure qui abrite à ce jour le très beau musée qui porte son nom.
Enfin, pour être tout à fait juste avec la stature du personnage, il faudrait encore parler de l’érudit, celui qui sut «commettre» cinq volumes sur les Tapisseries de la Manufacture des Gobelins, ou encore une étude du peintre Boucher.

Quand les visiteurs de l’été, émus par ce qu’est devenu notre pauvre château, proposent une liste de mécènes (le sourcil légèrement dubitatif, quand même !), c’est alors que j’aime à parler de Maurice Fenaille.
Hélas, chers amis, s’il se trouve toujours des sponsors pour financer la moindre des c… télévisuelles, il n’y a plus dans ce pays de personnage aussi libre et aussi fou, aussi amoureux du patrimoine, pour offrir à nos yeux et à nos cœurs, tout ce qu’il aurait pu garder - bénéfice exclusif - dans un coffre de banque.
Offrir, un verbe qui n’est vraiment plus à la mode...

Merci Monsieur Fenaille.

mercredi 7 octobre 2009

Changer d'outil, d'ordi, de mari ?

(Photo A.P.)
La page d’accueil de Yahoo vient de changer. Mieux, pas mieux ? même pas envie de me poser la question. E-bay vient de modifier son site. Mieux, pas mieux ? Je me sens déstabilisée. Pendant quelque temps, je n'irai plus avec le même plaisir à la rencontre d’internet. Je le sais . Pourquoi cette manie de vouloir – toujours - renouveler, rajeunir, modifier les choses, même quand personne ne demande rien. Subir le changement est difficile, rappelez-vous, quand il fallut accueillir l’euro, certains n’avaient pas encore digéré le nouveau franc ! Et le lapin blanc d’Alice qui n'arrête pas : vite, vite, je suis en retard...Epuisant. Du temps où je travaillais, il y avait périodiquement la visite de ces jeunes loups baptisés «commerciaux ». L’un d’eux regardait mon ordinateur : « quelle année? quelle version?» et, sans attendre la réponse : « Beuh! Réparer?... on fait plus ça…» puis, ironique : « Enfin, tant que ça marche !… » Un jour, passablement agacée par la manœuvre un peu trop visible, je demandais : «Et vous, il y a longtemps que vous êtes marié?... Ah bon?.. déjà! … Enfin, tant que ça marche !... ». Le bellâtre parfumé et sûr de lui me ficha la paix un certain temps .
Mais je pense encore à lui, surtout quand je vais à la déchetterie où déborde la benne à "produits gris" (quel vocabulaire, mes aieux!)...
Moi qui préfère l'évolution à la révolution, si on ne me bouscule pas trop, je ne crains pas le temps qui passe.
Agatha Christie disait que plus elle vieillissait, plus son mari l’aimait : il est vrai que l’heureux époux était archéologue ! Dans mon village natal, lors d’une cérémonie (je ne me souviens plus laquelle), le député-maire aux cheveux blancs fit ainsi l’éloge de son épouse, plus très jeune et quelque peu relookée, "elle mûrit jolie !"
Au lapin blanc d’Alice, re-croisé sur ma route, je murmurerai : piano, piano… Rassurant.
Des livres ? Poésie - Oeuvres de notre cher rouergat François Fabié (en édition Alphonse Lemerre, c'est mieux!), à relire :
"Savoir vieillir, se l'avouer à soi-même et le dire
Tout haut, ...
...Devenir bon, devenir doux, aimer les jeunes
Comme on aima les fleurs, comme on aima l'espoir..."

dimanche 4 octobre 2009

Andorre-la-mienne -1ère



La visite des églises romanes de Sant Miquel d’Engolasters et de Santa Coloma - préromane celle-là, habitée de la belle statue de Notre Dame du Bon Remède - m’a réconciliée avec l’Andorre. Oui, ce pays ne se résume pas à cette rue, souk sans fin, qu’est la ville d’Andorre La Vieille.
Il existe désormais, je le sais, je l’ai rencontrée, et je le dis avec une certaine fierté, Andorre-la-mienne !

Commençons par l’objet même de ce petit voyage, pèlerinage familial.

A Ordino, visite de l’église. De l’émotion, beaucoup d’émotion.
Les Guilhaume ont forcément connu cet endroit, peut-être alors moins « ripoliné », mais leurs yeux ont vu ce beau retable doré, cette cuve baptismale isolée derrière une grille, splendide dans sa forme à la fois massive et élancée. Quelle matière ? Je ne saurais le dire, cependant la présence des mines de fer de Llorts, à peu de kilomètres, me fait penser à des fonts baptismaux en pierre recouverts d'une planche cloutée .
Ensuite, visite du cimetière. En direction des pistes, à deux pas du centre du village.
Difficile, à première vue, de reconnaître là un «cementiri». De la route, on ne distingue rien d’autre qu’une espèce de grand empilement de terrasses de pierres, de grandes murailles en étages, comme un amphithéâtre, mais à peine arrondi, le tout desservi sur le côté gauche par une sente étroite et très abrupte en pavés (du granit ?).
Cet ensemble épouse la pente assez prononcée, il faudrait s’éloigner pour se rendre mieux compte de l’architecture du lieu. S’éloigner ?…Impossible. Au pied du cimetière est la route, après la route est la rivière, et de l‘autre côté de la rivière s’élève, abrupt, l’autre massif.
Faudrait prendre les airs…
Revenons sur terre.
Et prenons le raidillon empierré pour arriver à hauteur du «premier étage». Là s’étale une grande terrasse, les pavés de pierre qui la carrèlent forment des demi-cercles concentriques.
A gauche, sur un socle, une sculpture de fer rouillé qui pourrait évoquer une croix, mais aussi la proue brisée de quelque ossature métallique : comme le morceau de charpente d’un immeuble inachevé. Le symbole me convient aussi… S’élevant en bordure, plein sud, la muraille est percée de plusieurs ouvertures. Des grilles de métal (avec cadenas !) empêchent toute intrusion, mais permettent au regard d’aller plus loin : une large et longue pièce blanchie s’enfonce sous la montagne et montre, à droite et à gauche, des cavités rectangulaires où reposent, reposeront, ou bien ont reposé, les défunts. Les noms ne sont pas tous catalans, je relève avec un brin d’interrogation amusée, celui d’un officier militaire anglais né en 1914 : que venait-il faire dans cette… principauté ?
A cet endroit, pas de traces des mes ancêtres. Sur un ancien plan cadastral, je constate qu’existait encore au début du XX° siècle un cimetière autour de l’église, comme dans beaucoup d’autres communes. L’urbanisation l’a déplacé, les vivants ont chassé les morts. Il se peut qu’il s’en soit perdu quelques uns en chemin !... Je me contenterai d’humer le souvenir de ces Guilhaume que je n’ai pas connus.
Revenons centre-village. Derrière l’église est une très belle maison en fin de construction. A l’endroit même où, voici cinq ans, je croyais avoir retrouvé la propriété familiale. C’était alors comme une grange abandonnée, en ruines, avec une porte de planches disjointes sur laquelle figurait un écriteau « Perill ».

Faudra faire le deuil d’une hypothétique propriété, nationalité, fiscalité (et que sais-je encore) andorrane !

A ce moment là, me revient en mémoire l’anecdote contée par mon oncle.
Datée du 30 juillet 1935, une carte postale est reçue par la famille restée dans le 34 : « les affaires n’avancent pas fort, mais nous pensons conclure demain ».
Les affaires, c’était la vente des confettis immobiliers qui étaient restés au nom des Guilhaume quand ceux-ci, poussés par les nécessités économiques, avaient quitté les Vallées d’Andorre pour l‘Eldorado héraultais. Exode qui eut lieu aux alentours de 1865 !...
Et les affaires, donc, avancèrent : un pauvre bougre, qui faisait paître son âne derrière l’église, fut sommé d’acquérir la terre sur laquelle le quadrupède prélevait sa pitance sans droit ni titre. L’agriculteur s’exécuta et paya.
Sur le prix de cette vente, le notaire andorran préleva les arriérés des messes pour les défunts de la famille (oui, oui !). Le solde permit à mon oncle et au cousin François de payer leur voyage de retour. Pour avoir travaillé quelques années dans ce milieu, je m’interroge encore sur la validité d’un contrat de vente, en présence réelle de seulement deux vendeurs sur cinq, sans autre procuration…
Mon oncle racontait encore que le tabellion local avait apposé en fin de document, en un seul trait qui n’en finissait pas, comme un gros escargot stylisé : la signature du maître !...Il ajoutait aussi que ce ne fut pas la meilleure affaire de sa vie.
En effet.

Voilà comment, telle Perrette au pot-au–lait, j’ai dû dire au-revoir (adieu ?) à mes rêves andorrans pour le prix de quelques messes, et d’un séjour touristique pour 3ème âge.

Mais, je le sais, je reviendrai à Ordino.

Des livres?
Ceux de M.Verdaguer, pour ceux qui comprennent le catalan!