mercredi 24 février 2010

Frère basket

Parfois, quand nous sommes dans le 34, j’aime assister à la messe dominicale dans une maison de retraite pour 3me âge … ecclésiatique ! Le lieu me plaît assez. Eloigné de l’agitation de la ville, près du canal, c’est un petit ensemble de bâtiments autour d’un ancien parc un peu délaissé, avec une église de dimensions modestes.

Naguère, on pouvait y pénétrer par une sorte de garage où se trouvait un point d’eau. Maintenant, on doit passer par l’entrée "officielle", avec loge de gardien (désormais désertée), et un jardin ordonné de façon géométrique, toujours fleuri. Je me souviens d’y avoir vu de beaux arbustes, comme des grenadiers, mais taille mini, homéopathique, avec de jolies petites fleurs rouges qui semblaient être en cire.
Par le passage couvert, au fond, sur la gauche, on allait en famille visiter une crèche très artisanale où les personnages étaient animés par tout un système de roues de bicyclette… Cette machinerie inventive se laisse découvrir quand on contourne la scène de la Nativité. C’est, je crois, l’œuvre d’un prêtre résident.

Dans cette église sobre et claire, deux choses surprennent.
Tout d’abord, les cohortes de personnages peints de couleur sombre sur chacun des deux longs murs : on peut y voir des "têtes connues" - dans l’histoire de l’Eglise s’entend !- Comme une procession qui s’avance, en deux colonnes, jusqu’à l’autel…Une B.D., quoi !
Ensuite les bancs pour les fidèles. Fidèles âgés certainement, pour lesquels quelque ergothérapeute spécialisé en la matière (?) a inventé le rembourrage nécessaire à l’arthrose si bien partagée. Au dos de ces bancs, des petites étagères s'ouvrent par des panneaux coulissants sur les livres des uns… mais pas des autres ! Je me souviens d’avoir "squatté" - sans le savoir - le banc d’un ancien qui, gentiment, avec un sourire désolé, et en s’excusant, me le fit remarquer. Chacun à sa place !

Mais j’aime aussi particulièrement ce lieu pour la présence d’un frère, frère des Ecoles Chrétiennes comme on disait, lui aussi d’un âge avancé, toujours vêtu - et c'est le seul - de la soutane noire avec rabat, sorte de double cravate courte et blanche (non, non, je ne suis pas spécialiste!). L’ourlet, un peu court, du vêtement noir laisse voir ses chaussures : des baskets !...
Je n’assiste pas à l'office seulement pour lui, évidemment, mais j’aime à rencontrer ce retraité au visage serein. Il accomplit ce qu'il a à faire tranquillement, au sein d'un rituel parfaitement réglé... Serviteur à sa place, c'est ici l'expression qui convient .
Je ne lui ai jamais parlé – et d’ailleurs, que lui aurais-je dit ? –
A chaque fois que je reviens, je le cherche avec une sorte d’angoisse.
Mais oui, frère basket est bien là. Merci .

dimanche 21 février 2010

Libellules ... et résilience.

L’enfant avait découvert une nouvelle école.
Une vraie, celle où l’on apprend à déchiffrer, pas comme la maternelle d’avant les évènements. La maîtresse était compétente mais sévère, elle usait parfois d’une longue règle pour taper sur les doigts des récalcitrants, qui se retrouvaient alors à genoux devant le tableau et l’estrade. Cette école, à l’entrée du village, on pouvait y pénétrer de deux côtés. Côté route, par un portillon de fer et une longue et étroite allée bordée de buis taillés, amenant directement devant les classes, portes et fenêtres alignées comme au garde-à-vous. On pouvait aussi emprunter la rue moins fréquentée qui débutait avec l’atelier du tonnelier pour aller jusqu’à la rivière. L’enfant préférait cette rue et le portail qui donnait accès à l’école, au niveau inférieur,  par la cour de récréation. Dans cette cour se trouvait un arbre taillé en cépée où les «grands» s’essayaient au théâtre. Comme un sas, comme une halte souriante et rassurante avant l’entrée en classe... Et puis cette rue, c'était celle empruntée avec sa mère, le dimanche, aux beaux jours, vers la rivière où l'on pouvait poursuivre les libellules bleues et vertes, en prenant garde à ne pas glisser sur les galets recouverts de mousse.
Les libellules !... Toute sa vie,  elle aimera les élégantes libellules …

L’enfant avait aussi découvert une nouvelle maison.
Au dernier étage d’une vieille demeure, deux pièces accessibles par un grand et sombre escalier. Le strict nécessaire, une cuisine et une grande chambre. Du côté opposé au lit, devant la fenêtre, quelques marches de bois donnaient accès à un grenier, réduit mangé sur une grande partie de sa surface par la protubérance de la voûte du grand escalier. Un endroit dangereux : une fenêtre carrée, presque au ras du sol, une très belle vue plein sud sur le village et la campagne. Mais un endroit magique, tout chaud de soleil, un abri pour jouer et oublier le monde .
Cette année-là, le Père Noël de maman avait apporté une petite mallette de carton bleu. A l’intérieur, retenus par des élastiques, une poupée et ses vêtements: promesse de jours et de jours de bonheur… Le Père Noël de papa avait, lui aussi, fait fort : un berceau alsacien d’osier ajouré, avec des roulettes. La grand-mère en avait confectionné tout l’habillage, avec un joli tissu bleu à fleurettes. Oui, mais les instructions étaient  claires :  les cadeaux ne voyageraient pas !... Poupée et berceau vécurent donc leur vie de jouet, chacun de son côté, à des kilomètres l’un de l’autre, passant entre les mains de l’enfant au gré des vacances réparties par Monsieur le Juge.
Elle était toute jeune cette mère, guère plus de vingt-cinq ans. Elle venait à peine de s’extirper d’un quotidien de violences, et devait tout ré-apprendre pour s’essayer à une nouvelle vie. Chercher du travail, en trouver - mais à la ville distante de quelques kilomètres. Chercher un vélo - mais pas trop cher et avec un porte-bagage, le "bagage" c'était l’enfant. Accepter de travailler sept jours sur sept, le dimanche pour compenser tous les repas de midi que prenait l’enfant à la table des patrons.

Ce n’était pas le luxe, évidemment. Mais l'enfant se savait aimé. Cosette et les Thénardier ne faisaient pas partie du paysage !

Le seul mauvais – mais alors, très mauvais - souvenir, qu'il lui reste, c’est celui né du sentiment d’abandon qui l'étreignait lorsque sa mère rentrait tard le soir.
Car c'était sûr, ce soir, elle ne reviendrait pas !…
Et c’était alors des pleurs et des galops à travers le petit espace. Ouvrir la fenêtre du grenier, guetter et scruter la silhouette de chaque passant dans la ruelle en contrebas. Dévaler les marches de bois et repartir en courant vers la porte. Sangloter et hoqueter plus fort en étreignant la poupée…Cet effroi avait la couleur du noir de la nuit qui arrivait, et la froideur du carrelage humide sous les pieds nus… Se taire enfin à l’écho des pas dans l’escalier, sur le palier, et de la clef qui tourne dans la serrure. Vite au lit et faire semblant de dormir.
Le lendemain, tout nier devant les voisins donneurs de leçons. Surtout ne pas se plaindre, ne rien dire à ces voisins en embuscade, prêts à cafter à l’assistante sociale, à Monsieur le Maire, à Monsieur le Juge peut-être…

Des années après, découvrir dans un livre le mot résilience .

Des livres ?  Boris Cyrulnik, bien sûr.

samedi 13 février 2010

On savait s'amuser en ce temps là !

Les faits se seraient déroulés chez nos amis Cazoulins dans les années 1925 - 1930.

Le comité des fêtes organise un bal à la salle des fêtes. Il a bien fait les choses : large publicité, décoration de salle et a choisi un orchestre réputé.
Toute la jeunesse de Cazouls est là ; mais aussi les étrangers de dedans, habitants du pays, par opposition aux étrangers de "deforas". (*)
La fête bat son plein. Tous les airs connus sont au répertoire et notamment les airs américains qui font fureur. Il faut voir la jeunesse danser le Charleston – tout ce beau monde monté sur ressorts et qui tricote des genoux sous le regard offusqué ( jaloux ?) des aînés.

A un temps mort, s’avance un grand escogriffe portant au bras un grand seau rempli de confetti. Il fait le tour de la piste de danse en lançant ses confetti, puis pose son seau au milieu de la piste et s’esquive.
Il y a dans les bals des jeunes qui s’amusent ! Les plus rapides se précipitent sur le seau pour prendre des confetti et les lancent aussitôt. Les moins éveillés viennent à leur tour pour faire de même.

Mais le récipient avait précédemment servi à un autre usage... et le fond en était copieusement garni.

Lorsque les confetti se firent plus rares, les enfants enfoncèrent les mains au fond du seau et en retirèrent ce que vous avez compris : …tête des enfants !
Pendant que les farceurs quittaient les lieux, un groupe d’enfants cherchait comment se débarrasser de ce qui les gênait. Ils ne trouvèrent rien de mieux que les rideaux de la salle des fêtes.
Cet intermède achevé, le bal reprit… l’odeur en plus.

Très bonne soirée à tout le monde !
(*) pas trés "politiquement" correct, mais les jeunes du cru voyaient d'un (trés) mauvais oeil ceux du village d'à côté (à 9 km!) qui pouvaient leur prendre leurs filles à marier!
C'est une histoire que racontait mon grand'oncle : il aurait eu 102 ans pour la St Valentin.

A feuilleter:
Hachette - l'Aventure du XX° siècle - dont est issue la photo de Joséphine Baker

mercredi 10 février 2010

Enveloppement durable

Dring...
Le pied pas trés sûr, les cheveux en bataille et l'oeil pas vif du tout, il faut tout de même assurer et, le matin, préparer le petit déjeuner !
Comme chez les sportifs, c'est là que commence l'échauffement
En premier, faire le café. Bien. Mais à chaque fois c'est pareil, le paquet, chaque nouveau paquet, fait de la résistance. Avez-vous, comme moi, remarqué combien il devient difficile d'ouvrir les emballages?. Enfin je veux dire, d'ouvrir proprement les emballages?. La machine fera son travail, ploc ploc, comme indifférente à la poudre noire de café étalée tout autour... Passons à la brique de lait. Il fallait sortir de l'ena - au minimum - pour inventer un système pareil. Le clip de plastique bleu passe encore. Mais la languette alu qui se découvre alors joue les mijaurées : un coup elle ne se laisse pas saisir, un coup elle casse, ou alors - et je crois que c'est son option préférée - elle se rompt brutalement en cours d'ouverture, et ce sont mes doigts qui recueillent les premières gouttes. Non, je ne lècherai pas les doigts (le lait c'est pas ... ma tasse de thé) .
Les écolos qui m'entourent m'ont appris qu'il faut "écraser" la brique vide avant de la mettre dans le conteneur qui convient. Ecraser la brique de lait ? Aux abris! ... La brique, elle ne devait pas être tout à fait vide!
A bien examiner nos achats de première nécessité, une constatation s'impose : tous les produits sont difficiles d'accès. Les boites de sardines sont blindées... Les paquets de nouilles s'ouvrent ... à la volée. Les biscuits s'entourent d'une ou de plusieurs couches de papier cellophane ou de plastique. Du solide, du costaud, et les ciseaux ne sont pas fournis avec. Et je n'évoque que pour mémoire la bouteille d'huile, son bouchon récalcitrant et ses éclaboussures ... A croire qu'on leur a fait subir des tests pour une certification " XXXL protection ". Enveloppements durables, vous l'avez dit.
Tous les emballages (me) résistent.
Tous, sauf un .
La plaquette de chocolat se laisse encore déshabiller avec toute la facilité et la discrétion souhaitables.
Le cartonnage est solide, mais il s'ouvre sans bruit sur un papier alu qui se froisse avec un son délicat !... Ecoutons Juliette Gréco : "Deshabillez-moi..." . On ne se lasse pas d'ouvrir la plaquette, de savourer, de refermer la plaquette un court instant, puis de recommencer... Finalement, le chocolat c'est un achat de raison : bon pour la santé, bon pour le moral et son emballage n'ajoutera jamais de stress aux impatients de naissance (j'en connais!).

A titre personnel, et depuis plusieurs années, notre famille boycotte tous les produits d'une marque suisse trés connue dont le nom commence par N : il y a en France de bons chocolatiers . Il y en a aussi en Belgique .

mercredi 3 février 2010

"Sept cents millions de chinois, et ..."

Ce matin, à la télé, lors des informations, on nous apprend que le marché chinois de l'automobile neuve est en train d'exploser. C'est vrai qu'il y a de quoi faire, si on veut remplacer tous les vélos!... et le commentateur de poursuivre: la première chose que fait la famille de l'acheteur chinois (oui, c'est un achat collectif) est de s'asseoir à l'arrière du véhicule pour en tester le confort ...
Comme un flash, me revient alors le souvenir de Jean-Marc Mousseron, notre professeur de droit à l'Université de Montpellier. Super-prof-super-doué en vérité, mais assez malhabile dans la vie courante : lui, quand il achetait une voiture, il commençait par donner un coup de pied dans les pneus, puis il en essayait le klaxon... Un look improbable : cheveux en brosse (certainement le même coiffeur que Fourcade ancien ministre des Finances), une chemise blanche aux manches larges mais coupées courtes, un léger embonpoint - il disait qu'il fallait conserver son PBH, son Poids de Bonne Humeur! Un style vestimentaire intemporel, trés démodé à cette époque là : le joli mois de mai venait à peine de s'éteindre ...
Il parcourait l'estrade du grand amphi à grandes enjambées, dans un sens puis dans l'autre, le buste penché en avant comme un sprinter qui veut franchir la ligne avant les autres concurrents... Son outil fétiche, c'était le tableau, noir vert ou blanc, qu'importe, sur lequel il traduisait en grandes lignes son cours magistral . Et "magistral" était bien le terme adéquat . Son fameux plan en deux parties auquel avaient l'air de se soumettre tous les arrêts (et leurs commentaires!) . Tout était "traduit" sur le tableau dans un ordonnancement géométrique d'une même origine . C'est de lui que j'ai appris que les conclusions pouvaient être analysées en justice... et en équité ! C'est pas pareil ! C'est par lui, également, que j'ai su que l'université devait nous apprendre où, et à quel endroit, et comment, chercher la solution, et ne pas retenir la solution elle-même, qui n'était que la solution du moment . Ce que ma fille aînée traduit : tout ce qu'elle a appris est " bon pour la benne" !
Ses étudiants l'adoraient, le terme n'est pas trop fort . Cette matière aride du droit civil, il l'avait embellie, transformée, rendue claire et intelligible : à l'écouter, on se sentait (un peu!) intelligent ...
Lors de la rentrée de 2me année, il avait réuni ses étudiants dans un amphi de l'ancien IUT pour visionner le film de la conquête de la lune (juillet 1969). Pourquoi se demandait-on quand la lumière s'était rallumée?.. La réponse de Mousseron : rien n'aurait été possible sans une organisation sans faille . Ce fut le début de l'enseignement du droit de l'entreprise.

Jean-Marc Mousseron est parti, lui aussi .
Je me demande, tout-à-coup, s'il n'existerait pas sur Facebook, un groupe "Je suis fan de Mousseron"...  
Faudra que je demande à mon fils qui manie la souris mieux que moi.

Des livres ? non, sérieusement? Tout le droit de la distribution ( la traduction juridique du premier centre commercial Mammouth, sur la route des plages, c'était lui!) . Ca vous tente toujours ?