vendredi 30 octobre 2009

L'âne de BERZEME


Voici un texte écrit par ma moitié. L’histoire a eu lieu en Ardèche, mais le quadrupède étant aveyronnais, nous la classerons donc dans la case «entre 12 et 07».

Cette histoire remonte aux années soixante et avait amusé tout le Vivarais.
A cette époque, beaucoup d’agriculteurs du Massif du Coiron élevaient des chevaux. Les Haras de RODEZ avaient une station de monte à BERZEME où ils envoyaient chaque année des étalons.
Cette année là, le dépôt avait accueilli notamment un magnifique âne, grand et fort.
Les propriétaires d’ânesses, et ceux de juments qui voulaient obtenir un mulet, se réjouirent de l’arrivée de cette excellente bête et commencèrent à amener leurs animaux.
Et … rien !
L’âne ne s’intéressait nullement à ces ânesses. On lui en présenta plusieurs, en vain. Toutes les tentatives furent des échecs et les propriétaires en étaient très contrariés.
Cette nouvelle parcourut rapidement le pays et ses environs, tout le monde voulut voir cet âne incapable de satisfaire une ânesse.

Même le facteur voulut voir le phénomène.
A l’époque, le courrier était livré le plus souvent à bicyclette par des préposés en habit règlementaire.

Le facteur s’approche de la bête à qui l’on présentait une énième ânesse.
Notre âne aperçoit l’homme de lettres avec casquette et tenue. Et là, à la surprise générale, il s’exécute et accomplit sa saillie.
En fait, l’animal ne supportait pas d’être servi par des gens sans uniforme. Même pendant ses activités estivales, il lui fallait l’environnement sécurisant des employés en tenue des Haras de Rodez.
A partir de ce jour là, l’employé porta régulièrement veste et casquette, chaque fois que l’animal était sollicité, et la saison s’écoula désormais sans problème.
L’histoire ne dit pas si les rejetons eurent la même addiction.

Où va donc se nicher le prestige de l’uniforme !...

mardi 27 octobre 2009

Il existe bien des tomates"de Sibérie" !

Nous sommes des adeptes de … l’expérimentation.

Pas en tout, évidemment. Mais, il est vrai que dans beaucoup de domaines, scientifiques notamment, le progrès a parfois résulté du hasard.

Démonstration.

Là où je vis, que certains – que je ne nommerai pas, suivez-mon regard – qualifient de "Sibérie", nous avons planté des melons. Oui, oui ! Bien sûr, on a sauté l’étape du plançou maison, et il n’a jamais été dit que nous visions un nouveau créneau pour l’agriculture locale… Sagement alignés, plantés au pied du rempart du château (quinze mètres de pierres jouant le rôle d’accumulateurs de chaleur) nos melons ont prospéré à leur rythme. En 2008, vaillamment, ils ont tenu à assurer quelques entrées de nos repas au jardin. Bien. Nous avons aimé les compliments. Un peu dubitatifs quand même, les compliments : la confiance ne régnait pas. Il fallait confirmer l'essai. La saison 2009, quoique chaude, n’a pas été du même niveau. D’honnêtes fruits à la canicule. Et puis, début octobre, la surprise : 37 exemplaires de la taille d’une boule de pétanque, et plus. Oui, mais qu’en faire?... Les laisser mourir de froid?... Nous avons opté pour la récolte immédiate en "prématurés". Oui, mais à nouveau, qu’en faire?... Soyons fous, tentons l’expérience confiture!... Certaines "bonne-mères" déclinent bien les tomates vertes en bocaux… Bof!… C’est alors que je trouve sur le net une recette venue d’Afrique du Nord qui recommande, en pareille matière, de ne pas employer de fruits trop mûrs ! C’est bien le cas !... Cependant prudence, commençons petitement . Voici donc le challenge : Deux kg de fruits lavés, pelés, épépinés, tranchés très finement, ce qui fait environ 1,3 kg de pulpe (le reste, au compost !). Sucre : 1kg + 2 ou 3 sachets de sucre vanillé. Ajouter aux fruits un citron vert lavé, non pelé, tranché finement et coupé en petits morceaux. Verser le sucre sur le tout, et au frais dans mes escaliers, pour la nuit. Le lendemain, égoutter les morceaux et faire cuire le sirop environ 30 mn à feu très modéré. Ajouter ensuite les pulpes + 1 morceau de beurre (c’est le truc pour ne pas avoir d’écume, mais si les puristes veulent éviter le beurre et écumer, je ne les en empêche pas) et faire cuire à petits, petits bouillons jusqu’à ce que le sirop soit…sirupeux, mais les fruits pas réduits en purée, non plus. Ici, j’avoue ajouter ½ sachet d’agar-agar.
Mettre en pots.
A ce stade, attendre - comme moi - un cobaye, pour goûter.

vendredi 23 octobre 2009

La fin du mois d'octobre approche. Et donc le 1er novembre, avec ses rituels...

(Sur le fronton extrait de l'Epitre de Saint-Paul à Tite )


J’ai toujours «fréquenté» le cimetière de mon village natal.
Pas avec tristesse, non. Avec nostalgie, certainement.
J’en aime le calme, rompu seulement du bruit du vent qui fait ployer les hautes silhouettes des cyprès (lesquels sont à ce jour bien malades).
J’en aime les "chapelles", à l’architecture maniérée et kitch.

J’ai souvent poussé la porte de fer d’un de ces monuments, non pas pour monsieur de S... qui y dort, apparemment abandonné depuis longtemps par les siens, mais tout simplement parce que les instruments nécessaires au nettoyage des tombes du quartier squattaient ce lieu !... Et c’est ainsi que j‘ai commencé à «parler», à échanger avec les occupants… Que personne ne rie, je ne crois pas être psychologiquement fragile, ni soumise à la tentation morbide, ni particulièrement nécrosophe... Quoique…

C’est le moment d’avouer : j’aime bien les cimetières.
Cela vous semble suspect ?
Est-ce qu’on trouve suspects tous ceux qui - nombreux- inspectent les archives, vieux grimoires et autres registres municipaux ou paroissiaux? C’est pourtant, là aussi, le goût du passé (et peut-être un certain dégoût du présent) et il n’y a pas que les retraités qui s’y adonnent.
La promenade (mais oui !) me permet de remonter le temps, d’évoquer le visage, la vie ou quelques anecdotes de ceux que j’ai connus. Mais aussi de certains que je n'ai pas connus, mais qui ont laissé une trace dans notre environnement. Par la renommée, le talent ou l’histoire.

C’est ainsi que j’annote régulièrement, au gré de mes rencontres, le « guide des cimetières ». Pour vous, en exclusivité, première livraison:

Vous souvenez-vous de Gérard Sire ? Il avait commencé par inspecter les impôts (tout mène à tout, il suffit d’en sortir) avant de devenir, avec son compère Jean Yanne, animateur de radio plein d’humour, l’Oreille en coin, acteur et puis écrivain de délicieux «Contes pour rêver». Il repose là, depuis 1977, à quelques encablures des miens, tombe ornée d’une plaque émouvante, mais gravée par un professionnel fâché avec la grammaire!... Dernière pirouette d’un homme attachant.

Et François André, le connaissez-vous ? Non? Né à Rosières, petit village de l’Ardèche, il fut l’inventeur (au sens littéral du terme) des stations balnéaires de La Baule et de Deauville. Ca ne vous dit toujours rien? L’empereur des casinos? L’entreprise devenue Groupe Barrière ? Ah oui, ça y est !… Il avait baptisé la grande plage de La Baule du prénom de son épouse, Marie-Louise. Sur sa tombe, à Rosières, un dernier message aux accents fort authentiques des employés de ses établissements.

Terminons la série de portraits par Fernand Pouillon, architecte génial de la reconstruction du Vieux Port de Marseille et des 200 à Aix-en-Provence, qui connut la prison parce qu’il était à la fois archi et promoteur ! … c’était un autre temps !
Il restaura le château de Belcastel, donnant ainsi un essor certain à ce bourg devenu un des plus beaux villages de France. Depuis 1986 c’est sous un simple tertre anonyme qu’il regarde -de loin- ce qu’est devenue sa dernière œuvre, lo bel castel. Qu’aurait-il pensé de cette récente émission de télé où l’on parla abondamment du village, du château et de ses nouveaux propriétaires, des américains qui apprécient les tripoux (Oh my God!) et … c’est tout. Rien sur Pouillon.

C’est alors que me revient en mémoire l’épitaphe d’un anonyme citée par B. Beyern : « Enfin seul ».

A lire, pour aller plus loin:
- Gérard Sire : Contes pour rêver
- Philippe Bouvard : Histoire d’une famille
- Etudes Aveyronnaises 2003: Fernand Pouillon, l'humaniste et les technocrates par Robert Taussat (Société des Lettres Sciences et Arts de l'Aveyron)
et enfin:
- Guide des cimetières en France, rédigé par celui qui se baptise lui même "enfant de la dalle", j'ai nommé Bertrand Beyern.

jeudi 15 octobre 2009

C'était Monsieur Fenaille



Micro-trottoir :
- «Fenaille, c’est qui pour vous ? … ? …mais encore ? »
Pour un sévéragais, ce nom évoque l’ancien sanatorium devenu Centre Médical Maurice Fenaille, pour un ruthénois, c’est le beau musée de l’Hôtel de Jouery .
- Un peu court quand même !.... Et puis je n’ai pas demandé « c’est quoi ? » mais « c’est qui ? ». Nuance.

- Oui, mais toi, madame-je-sais-tout, qu’en dis-tu ? Et pourquoi cette question, aujourd'hui, sur ce personnage? Sauf erreur, il ne fait pas partie de tous ces mal élevés, nouveau, ancien ou futur ministre, qui, ces derniers jours, squattent nos salons via la télé.
Maurice Fenaille n’a jamais fait la une des journaux pipole. Rappelons qu’il était né en 1855, qu’il est décédé en 1937, et qu’il ne peut donc pas hanter notre actualité. Sauf que...
Sauf que, dans l’été, je découvre sur papier glacé l’annonce d’une agence immobilière spécialisée, oui ma chère, dans les demeures d’exception. Les photos ne laissent aucun doute: le château de Monsieur Fenaille est à vendre !...
(Evacuons les soupçons : je ne suis pas intéressée, je n’ai nullement les moyens d’acheter ni d’entretenir un tel pied à terre)

Maurice Fenaille avait acquis ce château pour l’offrir en cadeau de mariage à son épouse, Marie Colrat, qui était née en ce lieu. Magnifique présent ! De la pierre ! pas celle vendue à l’unité et montée en bague de fiançailles…
Il est vrai que l’heureux époux a des moyens. Fils de son père, il gère la société Fenaille et Despeaux, exploite la « saxoléine » et accompagne le développement de l’entreprise qui deviendra – plus tard – Esso Standard.

Mais cette fortune ne sera jamais celle d’un Harpagon.
Riche, c’est vrai ; érudit, vrai aussi, mais surtout généreux, tel sera Maurice Fenaille.

La première guerre mondiale faillit lui ravir un fils, Pierre, qui échappa à la mort lors d’un combat aérien dans la Somme. En guise de reconnaissance, l’industriel financera la reconstruction du village détruit, et un petit-fils Fenaille reçoit alors le prénom de Cléry, du nom de ce bourg qui va renaître de ses ruines.

Toujours 14-18. Maurice Fenaille ouvre aux soldats réformés son école d’agriculture de Montagnac, qui devient un centre de rééducation pour les mutilés afin de « rendre la terre à ceux qui la cultivent et qui, en la défendant, ont versé leur sang».

Sur notre territoire sévéragais, à l’air pur du col d’Engayresque, il fait construire la station sanitaire où nombre de soldats viennent se reposer. Il en assume l’entretien, la direction, puis l'offrira au département. Clefs en main... Cet établissement est aujourd’hui un des premiers employeurs du canton.

Il osera créer, sur sa propriété de Zénières, un atelier de fabrication de tapis au point noué, accueillant et formant de nombreuses jeunes aveyronnaises à un métier artistique valorisant. Quand on feuillette le catalogue «Le Point Sarrazin», on peut juger de la beauté des tapis proposés, reflets d’une création inspirée par le Moyen Orient, par la Chine mais aussi par les grands ateliers classiques français (la Savonnerie). Ces œuvres témoignent d’un savoir-faire local que Monsieur Fenaille a contribué à éveiller.

L’évocation de Maurice Fenaille ne saurait être complète sans présenter le mécène. Aussi généreux que discret, nous dit-on. Ce qui est plus rare.

C’est à un affichiste qui deviendra célèbre, Jules Chéret, qu’il confie l’illustration des publicités pour la Saxoléine, le pétrole sans odeur ! C’est à Eugène Viala, le peintre de Salles Curan, qu’il confie le soin de rechercher et de concevoir des cartons, modèles pour les tapis de Zénières. Viala qui trouvait asile chez son protecteur.
A une époque où n’existaient pas les aides publiques aux créateurs, l’industriel sait encourager et faire prospérer les talents.
Certes, Rodin ou Bourdelle étaient des artistes reconnus, mais les commandes particulières contribuaient à leur liberté, à leur indépendance.
Amis de Maurice Fenaille, ils trouvaient, chez lui et en Aveyron, des lieux de séjour leur permettant de se consacrer à leur art, dans un cadre exceptionnel. En ce sens, on pourrait dire que notre homme a inventé les résidences d’artistes (oui, les mêmes que celles – fiscalement moins indolores - qui font l’orgueil de nos édiles au XXI° siècle !)
Elargissant cette générosité, Maurice Fenaille sut aider les musées français à enrichir leurs collections d’œuvres majeures.
A la Société des Lettres de l’Aveyron, en 1929, il transmet l’Hôtel de Jouery, élégante demeure qui abrite à ce jour le très beau musée qui porte son nom.
Enfin, pour être tout à fait juste avec la stature du personnage, il faudrait encore parler de l’érudit, celui qui sut «commettre» cinq volumes sur les Tapisseries de la Manufacture des Gobelins, ou encore une étude du peintre Boucher.

Quand les visiteurs de l’été, émus par ce qu’est devenu notre pauvre château, proposent une liste de mécènes (le sourcil légèrement dubitatif, quand même !), c’est alors que j’aime à parler de Maurice Fenaille.
Hélas, chers amis, s’il se trouve toujours des sponsors pour financer la moindre des c… télévisuelles, il n’y a plus dans ce pays de personnage aussi libre et aussi fou, aussi amoureux du patrimoine, pour offrir à nos yeux et à nos cœurs, tout ce qu’il aurait pu garder - bénéfice exclusif - dans un coffre de banque.
Offrir, un verbe qui n’est vraiment plus à la mode...

Merci Monsieur Fenaille.

mercredi 7 octobre 2009

Changer d'outil, d'ordi, de mari ?

(Photo A.P.)
La page d’accueil de Yahoo vient de changer. Mieux, pas mieux ? même pas envie de me poser la question. E-bay vient de modifier son site. Mieux, pas mieux ? Je me sens déstabilisée. Pendant quelque temps, je n'irai plus avec le même plaisir à la rencontre d’internet. Je le sais . Pourquoi cette manie de vouloir – toujours - renouveler, rajeunir, modifier les choses, même quand personne ne demande rien. Subir le changement est difficile, rappelez-vous, quand il fallut accueillir l’euro, certains n’avaient pas encore digéré le nouveau franc ! Et le lapin blanc d’Alice qui n'arrête pas : vite, vite, je suis en retard...Epuisant. Du temps où je travaillais, il y avait périodiquement la visite de ces jeunes loups baptisés «commerciaux ». L’un d’eux regardait mon ordinateur : « quelle année? quelle version?» et, sans attendre la réponse : « Beuh! Réparer?... on fait plus ça…» puis, ironique : « Enfin, tant que ça marche !… » Un jour, passablement agacée par la manœuvre un peu trop visible, je demandais : «Et vous, il y a longtemps que vous êtes marié?... Ah bon?.. déjà! … Enfin, tant que ça marche !... ». Le bellâtre parfumé et sûr de lui me ficha la paix un certain temps .
Mais je pense encore à lui, surtout quand je vais à la déchetterie où déborde la benne à "produits gris" (quel vocabulaire, mes aieux!)...
Moi qui préfère l'évolution à la révolution, si on ne me bouscule pas trop, je ne crains pas le temps qui passe.
Agatha Christie disait que plus elle vieillissait, plus son mari l’aimait : il est vrai que l’heureux époux était archéologue ! Dans mon village natal, lors d’une cérémonie (je ne me souviens plus laquelle), le député-maire aux cheveux blancs fit ainsi l’éloge de son épouse, plus très jeune et quelque peu relookée, "elle mûrit jolie !"
Au lapin blanc d’Alice, re-croisé sur ma route, je murmurerai : piano, piano… Rassurant.
Des livres ? Poésie - Oeuvres de notre cher rouergat François Fabié (en édition Alphonse Lemerre, c'est mieux!), à relire :
"Savoir vieillir, se l'avouer à soi-même et le dire
Tout haut, ...
...Devenir bon, devenir doux, aimer les jeunes
Comme on aima les fleurs, comme on aima l'espoir..."

dimanche 4 octobre 2009

Andorre-la-mienne -1ère



La visite des églises romanes de Sant Miquel d’Engolasters et de Santa Coloma - préromane celle-là, habitée de la belle statue de Notre Dame du Bon Remède - m’a réconciliée avec l’Andorre. Oui, ce pays ne se résume pas à cette rue, souk sans fin, qu’est la ville d’Andorre La Vieille.
Il existe désormais, je le sais, je l’ai rencontrée, et je le dis avec une certaine fierté, Andorre-la-mienne !

Commençons par l’objet même de ce petit voyage, pèlerinage familial.

A Ordino, visite de l’église. De l’émotion, beaucoup d’émotion.
Les Guilhaume ont forcément connu cet endroit, peut-être alors moins « ripoliné », mais leurs yeux ont vu ce beau retable doré, cette cuve baptismale isolée derrière une grille, splendide dans sa forme à la fois massive et élancée. Quelle matière ? Je ne saurais le dire, cependant la présence des mines de fer de Llorts, à peu de kilomètres, me fait penser à des fonts baptismaux en pierre recouverts d'une planche cloutée .
Ensuite, visite du cimetière. En direction des pistes, à deux pas du centre du village.
Difficile, à première vue, de reconnaître là un «cementiri». De la route, on ne distingue rien d’autre qu’une espèce de grand empilement de terrasses de pierres, de grandes murailles en étages, comme un amphithéâtre, mais à peine arrondi, le tout desservi sur le côté gauche par une sente étroite et très abrupte en pavés (du granit ?).
Cet ensemble épouse la pente assez prononcée, il faudrait s’éloigner pour se rendre mieux compte de l’architecture du lieu. S’éloigner ?…Impossible. Au pied du cimetière est la route, après la route est la rivière, et de l‘autre côté de la rivière s’élève, abrupt, l’autre massif.
Faudrait prendre les airs…
Revenons sur terre.
Et prenons le raidillon empierré pour arriver à hauteur du «premier étage». Là s’étale une grande terrasse, les pavés de pierre qui la carrèlent forment des demi-cercles concentriques.
A gauche, sur un socle, une sculpture de fer rouillé qui pourrait évoquer une croix, mais aussi la proue brisée de quelque ossature métallique : comme le morceau de charpente d’un immeuble inachevé. Le symbole me convient aussi… S’élevant en bordure, plein sud, la muraille est percée de plusieurs ouvertures. Des grilles de métal (avec cadenas !) empêchent toute intrusion, mais permettent au regard d’aller plus loin : une large et longue pièce blanchie s’enfonce sous la montagne et montre, à droite et à gauche, des cavités rectangulaires où reposent, reposeront, ou bien ont reposé, les défunts. Les noms ne sont pas tous catalans, je relève avec un brin d’interrogation amusée, celui d’un officier militaire anglais né en 1914 : que venait-il faire dans cette… principauté ?
A cet endroit, pas de traces des mes ancêtres. Sur un ancien plan cadastral, je constate qu’existait encore au début du XX° siècle un cimetière autour de l’église, comme dans beaucoup d’autres communes. L’urbanisation l’a déplacé, les vivants ont chassé les morts. Il se peut qu’il s’en soit perdu quelques uns en chemin !... Je me contenterai d’humer le souvenir de ces Guilhaume que je n’ai pas connus.
Revenons centre-village. Derrière l’église est une très belle maison en fin de construction. A l’endroit même où, voici cinq ans, je croyais avoir retrouvé la propriété familiale. C’était alors comme une grange abandonnée, en ruines, avec une porte de planches disjointes sur laquelle figurait un écriteau « Perill ».

Faudra faire le deuil d’une hypothétique propriété, nationalité, fiscalité (et que sais-je encore) andorrane !

A ce moment là, me revient en mémoire l’anecdote contée par mon oncle.
Datée du 30 juillet 1935, une carte postale est reçue par la famille restée dans le 34 : « les affaires n’avancent pas fort, mais nous pensons conclure demain ».
Les affaires, c’était la vente des confettis immobiliers qui étaient restés au nom des Guilhaume quand ceux-ci, poussés par les nécessités économiques, avaient quitté les Vallées d’Andorre pour l‘Eldorado héraultais. Exode qui eut lieu aux alentours de 1865 !...
Et les affaires, donc, avancèrent : un pauvre bougre, qui faisait paître son âne derrière l’église, fut sommé d’acquérir la terre sur laquelle le quadrupède prélevait sa pitance sans droit ni titre. L’agriculteur s’exécuta et paya.
Sur le prix de cette vente, le notaire andorran préleva les arriérés des messes pour les défunts de la famille (oui, oui !). Le solde permit à mon oncle et au cousin François de payer leur voyage de retour. Pour avoir travaillé quelques années dans ce milieu, je m’interroge encore sur la validité d’un contrat de vente, en présence réelle de seulement deux vendeurs sur cinq, sans autre procuration…
Mon oncle racontait encore que le tabellion local avait apposé en fin de document, en un seul trait qui n’en finissait pas, comme un gros escargot stylisé : la signature du maître !...Il ajoutait aussi que ce ne fut pas la meilleure affaire de sa vie.
En effet.

Voilà comment, telle Perrette au pot-au–lait, j’ai dû dire au-revoir (adieu ?) à mes rêves andorrans pour le prix de quelques messes, et d’un séjour touristique pour 3ème âge.

Mais, je le sais, je reviendrai à Ordino.

Des livres?
Ceux de M.Verdaguer, pour ceux qui comprennent le catalan!

jeudi 1 octobre 2009

J'aime pas Marcel.

C’était juste après le dernier rond-point de Béziers, direction Pézenas . Je rentre à la maison, ma maison dans le 12. Un peu triste de quitter, provisoirement s’entend, ma maison du 34. Devant moi, un engin de chantier nettoie les bordures de la route. La sècheresse de la saison aidant, c’est un nuage de poussière ocre qui se forme sur toute la largeur de la chaussée et oblige à ralentir. Je ferme vivement les écoutilles, enfin je veux dire la fenêtre de mon véhicule, et traverse ce rideau semi-opaque. Ca y est, c’est fait !... Pour la poussière, ça va, j’y ai échappé, mais pas pour l’odeur !... Cette odeur familière envahit tout l’habitacle et peu à peu me submerge. Subtile fragrance qui évoque un peu l’anis, un peu la réglisse (voire le pastis, à chacun selon son nez), et pour moi les promenades sur l’ancienne voie du chemin de fer d’intérêt local. Là poussaient, et je pense poussent encore, ces grandes et fines tiges de fenouil sauvage, belles ombellifères sur lesquelles, telles des cordées d’alpinistes, s’agrippaient les cagarauletas. Nous ramassions ces petits, très petits, escargots qui après avoir été convenablement apprêtés …pouvaient se manger, si on était assez patient pour batailler avec la coquille et en retirer une petite misère, bien parfumée au fenouil certes, mais bien petite aussi. Un peu, dans le même domaine culinaire, comme avec la grenade : beaucoup de boulot per pas gaire. Revenons à notre fenouil. Ce fenouil, je le cueille sur le chemin du retour, pour parfumer le court-bouillon ou le poisson sur le gril . Je le cueille toujours rapidement, à la dérobée, un peu inquiète de me faire prendre en flagrant délit de vol, avec mon sécateur de vendange toujours prêt à cet usage, à sa place dans l’auto (oui, je sais, je suis maniaque…). C’est un peu comme la chasse en période prohibée, en voiture, et en plus avec le matériel adéquat ! Son parfum m’accompagne sur la route de l’exil, exil temporaire je répète. "… Mais, ma cocotte, dirait Pollux, c’est un symptôme Madeleine de Proust que tu es entrain de nous développer là ! " Moui, peut-être, mais j’aime pas Marcel, mais alors pas du tout. Chez lui, je vais direct à la dernière page, et encore, c’est pas pour connaître la fin de l’histoire, c’est pour refermer le bouquin et le rendre presto à celui qui croyait me faire plaisir en me le prêtant ! Et puis, cette histoire de travaux à la sortie de Béziers, ça me permet aussi de pousser un coup de g…(mais petit, le coup de g... pas de politique ici). J’aimerais qu’on m’explique l’utilité d’une nouvelle autoroute, ou de la prolongation Pézenas – Béziers de l’A75, alors qu’existe déjà la Languedocienne… Si c’est pour y voir défiler vers l'Espagne, et à rien ne coûte, tous les bronze-c...de l’Europe, j’apprécierais que ce ne soit pas grâce à nos « contributions » citoyennes. Dans le cas contraire, il faudra peut-être envisager – sérieusement – la création du C.C.Q.P.* cher à mon oncle. * C.C.Q.P. = Club des Couillons Qui Payent.