samedi 11 janvier 2025

Une légende sévéragaise

De l’oui-dire à la rumeur, de la rumeur à la légende,

Plaidoyer pour la défense de Louis duc d’Arpajon.

Beaucoup de choses ont été écrites sur l’implication de Louis d’Arpajon dans la mort de Gloriande de Thémines … alors pourquoi écrire à nouveau sur le sujet ?

C’est en fouinant sur internet que je découvre une thèse intitulée « le crime passionnel » soutenue à l’université de Paris VIII.

Un grand paragraphe sur « notre » affaire sévéragaise : le meurtre de Gloriande de Thémines, qu’aurait commandité Louis d’Arpajon, son époux, qui la soupçonnait d’infidélité. Le tout avec force détails, dont le viol de notre Gloriande par les hommes d’armes (détail inédit, jamais évoqué auparavant).

Et une conclusion choquante :  « … pour ces actes criminels d’une particulière cruauté, le Duc ne fut jamais inquiété…. Il était à cette époque, extrêmement difficile d’inculper un seigneur… et la noblesse avait l’habitude de s’auto-amnistier des délits les plus graves. »

Les faits allégués :

Louis d’Arpajon et Gloriande de Thémines se sont mariés, à Cahors, le 1er février 1622.

Jean-Louis, 4me enfant du couple, est né à Sévérac le Château le 9 juillet 1632.

Gloriande est morte à Rodez le 8 avril 1635. Elle aurait été assassinée sur les ordres de son mari.

Un contemporain de Louis et de Gloriande n’en souffle mot. Il s’agit de François de Villaret, avocat au Parlement de Toulouse. Avec son fils Claude, tous deux de Sévérac le Château, il a laissé le journal de l’époque, plein de détails minutieux sur Louis d’Arpajon et sa famille. Rien sur l’assassinat…

 Qui le suggère ?

Saint-Simon. Il écrit, rapidement, sur Louis d’Arpajon et sur la rumeur de l’assassinat de son épouse « ce dont il ne se défendait pas trop ».

Mais Saint-Simon, langue acérée – pour ne pas dire plus – est né en 1675. Il était âgé de 4 ans à la mort de Louis d’Arpajon.

C’est un historien, pas un témoin oculaire. Ses récits sont de « seconde main ».

Il nous dit que Le duc d’Arpajon était « infatigable en mariage ! »

 Mais Il n’a connu épisodiquement que Catherine Henriette d’Harcourt, la troisième épouse de Louis, et de façon plus quotidienne leur fille Catherine Françoise, qui par son mariage avec le comte de Roucy, comte de Roye, était la cousine germaine de Mme de Saint-Simon. Les deux familles se sont ensuite définitivement brouillées.

 A l’armée du Rhin, en 1694, Saint-Simon a fraternisé avec le jeune Louis II, fils de Jean-Louis d’Arpajon, le fils exhérédé, (et père de Anne Claude d’Arpajon, surnommée à la Cour madame l’Etiquette).

Ces deux sources du mémorialiste font douter, sinon de l’authenticité, du moins de l’objectivité des faits relatés.

 Qui le dit ?

-Le capitaine Monestier est le premier à écrire sur cette légende, en 1837… soit plus de 200 ans après la présumée fin tragique de Gloriande : « C’est la version que m’a faite M. de Carbon, ancien sous-préfet de Millau, qui dit la tenir de son aïeule, fille de Catherine Evesque, femme du viguier de Sévérac, présente au supplice de Gloriande. »

Deux cents ans représentent à peu près 8 générations : a-t-on déjà vu une tradition orale perdurer aussi longtemps ?

-L’abbé Bousquet (1847) : « à son retour de Pologne, Louis aurait été averti des infidélités de Gloriande … A peine rentrée au château de Sévérac, elle rendit le dernier soupir »

-Le docteur Molinié (1917) et l’abbé Julien (1926) reprennent la même version de l’uxoricide.

 Qui doute ? 

Plusieurs auteurs aveyronnais, et non des moindres, ont émis des doutes sur l’authenticité de ce crime.

- Henri Affre, dans les Biographies Aveyronnaises, fait des réserves.

- L’abbé Etienne Levesque, en 1905, dans « Fausse Légende »

- Le marquis de Valady in Châteaux de l’Ancien Rouergue (1927), très sceptique, écrit page 147, « un crime peut être inexistant »

Et, plus récemment, le chercheur Christian Fugit, in Etudes Aveyronnaises 2009, page 208. « La chapelle de Lorette est l’expression la plus aboutie de la piété de Louis d’Arpajon. Elle n’est certainement pas le témoignage de l’expiation d’un crime. »

 Certes, Louis d’Arpajon ne s’est jamais défendu de cette rumeur. Mais, de son temps, était-elle vraiment parvenue jusqu’à lui ?

 Parlons dates. Ou plutôt rapprochons les dates :

-La mort de Gloriande, assassinat ou pas, a eu lieu le 8 avril 1635. Le duc d’Arpajon, mari bafoué, est revenu de son ambassade extraordinaire en Pologne en 1648…treize ans plus tard. Certains, déjà à cette époque, avaient le pouvoir de lire l’avenir dans le marc de café !

 -La naissance de Jean Louis le 9 juillet 1632 serait la conséquence de l’infidélité supposée de Gloriande.

Or à l’époque de la conception de cet enfant, Louis d’Arpajon était sur ses terres, en Rouergue. On trouve sa trace en automne 1631 au Massegros (en Gévaudan, limitrophe de Sévérac le Château) où il consulte son ami Vors.

 -Après la naissance de Jean Louis, Gloriande n’a pas été séquestrée : le 2 janvier 1634, elle fait donation par devant notaire à sa demoiselle d’honneur Olympe de Combret, elle était parfaitement libre et autonome comme nous le dit le marquis de Valady.

Le 13 novembre 1634 (soit 5 mois avant son décès), elle représente son mari aux Etats Généraux du Languedoc, à Béziers.

 Jean Louis, fils de Louis d’Arpajon qui le pensait illégitime, a cependant eu une enfance entourée de prévenances et d’honneurs.

-Son père lui fait relever le titre de marquis, après la mort de Pons, son frère aîné.

-Il a été le parrain de Pierre de Villaret, prêtre, lors de sa première messe.

- Le 28 novembre 1651, à 19 ans, au château, il est parrain de Hippolyte Boyer, fils d’un des capitaines (surnommé La Jeunesse) – Archives municipales de SEVERAC, Registre paroissial.

- C’est Christian Fugit qui nous fera remarquer que le prénom de Gloriande a été donné à la fille d’Etienne de Podio, intendant de Jacquette de Clermont, du vivant de Louis.  « Il apparaît peu probable qu’un serviteur de la qualité d’Etienne de Podio, un proche de la famille d’Arpajon, ait nommé une de ses filles Gloriande, si Gloriande de Thémines avait été assassinée.» (C. Fugit La mort de Gloriande de Thémines à l’épreuve des trois Gloriande / Revue du Rouergue N°88- hiver 2006). Ce n’était pas un prénom synonyme d’infamie.

 -On peut enfin rappeler que Louis d’Arpajon a attendu plus de 20 ans pour se remarier : il épousera en deuxièmes noces Marie Elisabeth de Simiane le 3 février 1657.

L’inculpation impossible. Vraiment ?

Quant à l’impunité dont aurait bénéficié Louis d’Arpajon de la part de ses pairs, elle ne parait pas aussi évidente que ce que la thèse sur le crime passionnel le propose.

 Il existait une juridiction d’exception, la « Chambre des Grands Jours ».

Les « Grands Jours D’Auvergne » ont siégé à Clermont Ferrand, en 1665 et 1666, pour juger les délits commis par la noblesse.

Toutes les sessions – jusqu’au XVII° siècle - avaient pour objectif de briser les derniers vestiges de la féodalité et, plus encore, de réprimer ce qui restait des guerres privées, en châtiant les crimes auxquels le crédit des gentilshommes et la complaisance des gens de justice avaient assuré l’impunité. La notoriété des seigneurs et leur puissance les portaient en effet à se considérer au-dessus des lois. C’est donc contre eux qu’ont été en priorité dirigées les foudres de ce tribunal exceptionnel. (Alain Monestier – Les grandes affaires criminelles – Bordas 1988).

Et on peut rappeler que si – à cette époque - la noblesse s’auto-amnistiait des délits les plus graves, il ne s’agissait ni d’une règle ni d’une habitude absolue.

Souvenons-nous de la fin tragique de Charlotte de France, fille naturelle du roi Charles VII et d’Agnès Sorel, et donc demi-sœur du roi Louis XI.

Elle fut assassinée le 13 juin 1473 par son époux Jacques de Brézé, fils du conseiller de Louis XI, et sénéchal de Normandie.

L’histoire est plaisante, hormis pour la victime évidemment.

Le mari était allé à la chasse. Revenu fatigué au château, il lui restait cependant assez de vigueur pour solliciter son épouse. Laquelle, dans une autre chambre, avait attiré Pierre de Lavergne, le veneur de la chasse. Le Sénéchal enfonce la porte, tue le veneur puis sa femme qui avait trouvé refuge sous la couette du lit de ses enfants.

Tout Sénéchal qu’il fut, le meurtrier écopa d’une forte amende et de treize années de prison à Paris. (Jean de Roye notaire royal de Paris)

 Notre Ami Raymond disait que cette légende était le fonds de commerce de Sévérac le Château … Certes.

Mais l’Association des Amis du Château est convaincue que Louis d’Arpajon n’a pas commandité l’assassinat de Gloriande. Les preuves manquent.

Au bénéfice du doute, je demande l’acquittement du duc.

 J’ai plaidé.

 Ce texte a été écrit en hommage à Lucette Buffet qui avait bien voulu réfuter une à une toutes les affirmations de la thèse que je lui avais transmise.

dimanche 27 mars 2022

Le sceptre d'Ottokar: Ukraine, Moldavie et Syldavie

Que dire des évènements touchant l'est de l'Europe, survenant après la pandémie à répétition ? 

Comme tout un chacun, je me suis sentie d'abord "concernée"

Puis un peu moins, l'esprit de Munich s'étant répandu dans les médias et surtout dans les conversations du Café du Commerce.  

Comme tout un chacun, j'ai fait un "geste". Donner un gros carton de pansements, récents mais inutilisés, ne m'a pas coûté beaucoup.

Je n'ai pas, comme d'autres, continué à avoir le regard fixé sur les images de bombardements, de visages en larmes, ou pire, ensanglantés, de familles fuyant leur ville et leur quotidien devenu invivable. Non, je n'ai pas regardé ça, fond d'écran et fond sonore, avec mon assiette bien pleine devant moi. 

Facile, depuis près de deux mois je n'ai plus de télé. 
 
Je crains l'injure.
Mais cependant je vais le dire. 
 
Certains de mes compatriotes ont été exemplaires en cette affaire : ils ont un coeur qui "fonctionne".
Quant aux autres !... Le seul bénéfice tiré de ces évènements, c'est que désormais ils connaissent mieux la géographie de l'Europe de l'Est, et sauraient - à peu près - placer Kiev et Odessa sur une carte.
Pour moi, j'avoue - avec honte - avoir découvert que la Moldavie était un Etat. Un vrai . Et pas seulement un pays découvert dans Tintin. (En fait, dans Tintin, il s'agit du pays imaginaire de Syldavie.)
 
 Carte de l'Ukraine

lundi 30 mars 2020

Qui se souvient de Taurgueil ?



La vieille Carte de CASSINI (fin du 18° siècle) révèle la présence, sur la Commune de LAVERNHE DE SEVERAC, au Sud-Est de Pomayrols, d'un hameau aujourd'hui disparu, du nom de TAURGUEIL.
Le regretté Philibert de LESCURE, ancien maire de LAVERNHE , racontait qu'au 18° siècle, les habitants du hameau avaient contracté la peste.
On n'imagine pas aujourd'hui ce que ce mot de pestiféré pouvait représenter dans l'esprit des gens de l'époque. Tous fuyaient l'épidémie. Un blocus était organisé pour empêcher le développement de la maladie.
Les habitants de TAURGUEIL ont été abandonnés à leur sort : malades, ils n'ont reçu aucune visite, aucun secours ; tous morts, ils n'ont reçu aucune sépulture...
Personne n'a franchi le seuil de leur porte.
Lentement, les maisons se sont effondrées sur leurs restes.
Il ne subsiste de ce hameau que quelques pierres et le récit qu'en a fait Monsieur le Comte de LESCURE !

vendredi 12 avril 2019

Au secours ! Jean-Baptiste reviens !


C'était voici quelques jours .

Pour les besoins d'une future exposition sur les jardins d'ornement et les jardins potagers au Grand Siècle, nous sommes partis à Versailles.

En commençant par le Potager du Roi.


On y est presque !


Péage.
Puis escalier sur  la gauche débouchant sur le jardin situé en contrebas. 
Jardin ? Non, certainement pas. Grand espace enherbé délimité par des murs plein sud .

 




Sur les espaliers, les arbustes, poiriers et pommiers étaient en fleurs. Magnifique !

Quelques personnes s'activaient .
Pour les réponses à nos questions, on nous renvoie vers un  "vrai" jardinier ! (Savais pas qu'il en existait des faux ...) .
Le carré des asperges n'est pas pas à l'endroit indiqué sur le plan. On le trouve enfin, mais d'asperges, point.  Pas le moindre petit turion émergeant des buttes de terre ! Faudra repasser.



Et voici la belle grille, dite la porte du Roi, restaurée par les soins d'artisans français  - certainement - mais grâce surtout à quelques billets verts.
C'est par cette porte que le Roi Soleil venait s'enquérir de la maturité des fruits et légumes qui étaient quotidiennement servis à sa table .
Exigeant ce Roi ? Certes, puisque il appréciait de déguster des fraises en décembre et des asperges dès le mois de mars.
On nous dit que l'asperge fut, plus tard, particulièrement prisée de Madame de Pompadour, favorite de Louis XV, qui la nommait "pointe d'amour"(pour ses prétendues qualités aphrodisiaques peut-être?) 

Notre Louis le quatorzième aimait par dessus tout les poires dont de très nombreuses variétés sont encore ici présentes.

Alors, déçus par cette visite ?
Oui.
Si le nombre de jardiniers se trouve réduit à 8 ou 9, il y avait - le jour de notre visite - quelques escouades de"stagiaires", un peu houspillés d'ailleurs par un genre de "contremaître".
Et si le Potager du Roi a choisi - nous a t'on dit - la permaculture et le zéro-phyto, il nous a semblé que l'usage, non  chimique celui-là, de la binette et du sarcloir s'était perdu depuis La Quintinye.  

Alors, d'accord pour supprimer désherbants et traitements. Mais quelle désolation de voir les buis, non arrachés et non remplacés, atteints par la pyrale et les parterres envahis d'oseille sauvage, de liserons etc. 



La statue de Jean-Baptiste de La Quintinye qui trône au dessus du jardin n'a pu être correctement photographiée et je le regrette. Mais j'y ai vu comme un symbole. Le concepteur - jardinier ne souhaite, peut-être pas, être mis en lumière, à la vue de ce qu'est devenue son oeuvre . 

En partant, je n'ai pu m'empêcher de dire à la personne qui était à l'entrée et qui nous demandait nos impressions, que ce jardin serait bientôt labellisé "Conservatoire National des Chiendents". 

Alors oui, au secours, reviens Jean-Baptiste!



D'anciens ouvrages à feuilleter :
Olivier de Serres : "Théâtre d'Agriculture et Mesnage des Champs"
Louis Liger "La Maison Rustique"
Abbé Roger Schabol "La pratique du jardinage"

Et pour le fun
Michèle Barrière  "Meurtres au Potager du Roi, roman noir et gastronomique sous Louis XIV" (Avec un carnet de recettes en fin de volume. A tester.)

vendredi 14 juillet 2017

A midi, le 14 juillet 2017


Je veux être honnête: je n'ai regardé que la fin de la retransmission télévisée de l'évènement.
Et précisons avant tout que je ne suis ni va t'en guerre, ni antimilitariste. Sensible au prestige de l'uniforme? Peut-être.

Ces précautions épistolaires faites, je viens ici crier que je n'ai pas aimé, mais pas aimé du tout, cette fin de cérémonie du 14 juillet.
Il me semble que le 1er anniversaire de la tragédie niçoise aurait mérité autre chose qu'un spectacle digne du Grand Cabaret.
Apercevoir certains officiels se trémousser sur une musique "daft punk" m'a paru un chouia  indécent.
J'ignorais qu'on enseignait la chorégraphie à nos troupes.

Vrai, il faut être moderne .
Cela me rappelle un (jeune) ancien Président remontant les Champs Elysées, pour son investiture, à pied, sur la musique du Chant du Départ, avec un tempo modifié. 

Cela me rappelle aussi une vieille dame, épouse de militaire, quand son petit-fils lui annonça qu'il intégrait le Bataillon de Joinville. 
" C'est bien. Maintenant, à la prochaine guerre, on recevra les envahisseurs avec des ballons de rugby ..."
Que dire de la suite, sur une même chaîne de télévision, ou sur une autre, où le fastueux décor de Chantilly servait à une mise en scène et reconstitution de faits d'armes de nos unités d'élite... 

Panem et circenses.
Plus personne, semble t'il, ne meurt de faim aujourd'hui en France . Reste le spectacle.   

jeudi 13 juillet 2017

l'inconnue de la vatrille

L'inconnue de La Vatrille

C'était à l'automne 1993 (et oui, le temps passe !).
Plus précisément, le lendemain de notre installation dans notre nouveau home.
Je m'affairais en compagnie de l'aspirateur, quand mon attention fut attirée par un vilain carré tout sale, au sol. Le vilain carré, retourné, se révéla être un portrait de jeune femme. Si la toile était quelque peu accidentée, le visage, lui, était délicat.
Renseignements pris illico auprès des deux charmantes demoiselles du 4me âge qui avaient vécu en ces lieux une trentaine d'années, elles n'avaient jamais vu cette peinture ...
Personne ne peut imaginer qu'elle ait été introduite, et oubliée, par le déménageur. 
Un déménageur peut-être un peu fouineur du côté des greniers ? Possible.

Bon . L'énigme commençait .
Le portrait fut nettoyé, sommairement, ré-entoilé et c'est tout. Même si "A cheval donné etc. etc.", c'était déjà assez onéreux pour nos pécunes. 


Alors, je soumets le problème à tous les Sherlock en herbe : qui peut - être cette belle jeune femme qui hante désormais notre escalier ?

Et d'abord, quelle époque ?  
XIX° siècle, à l'examen de la coiffure ?

Certes pas une "dame de qualité", comme disent nos amis les antiquaires quand ils ne connaissent pas le pedigree. La tenue est trop négligée.
Alors, la "servante au grand coeur dont vous étiez jalouse..." ? ... Peu plausible, on ne faisait guère poser une domestique .

Je pencherai pour le portait d'une nourrice. Peint par l'enfant devenu adulte, à la lumière de ses souvenirs teintés d'affection .  

Alors ? Maintenant que me voilà revenue - en meilleure forme - sur ce blog qui n'en pouvait plus d'attendre, je vais guetter les suppositions, les hypothèses de mes amis.


vendredi 7 février 2014

Polenta e osei .

Je crois avoir déjà avoué mes origines italiennes, bergamasques même, pour être plus précis...

Ma grand-mère (oui, oui, celle qui prisait...) nous régalait souvent de polenta aux petits oiseaux.
Enfin, souvent, c'est vite dit.
Encore, fallait-il que le chasseur (ou le braconnier) de la famille ait ramené de sa journée à la vigne, en hiver,  des bestioles à plumes plein la musette. Ca arrivait de temps en temps, même si c'était prohibé ...

Oui, c'est prescrit ... Et puis ils sont tous morts. Les petits oiseaux, certes, mais aussi et hélas, les chasseurs!

Et fallait-il encore que la bis-nonna soit "décidée" .
Car, c'était pas un petit boulot .
D'abord, plumer les petites bêtes. En évitant - non pas de mettre du duvet partout, ça c'est inévitable - mais surtout d'abimer la chair des volatiles en tirant un peu trop fort sur la plume. C'est pourquoi les petites mains étaient nécessaires et non pas les gros doigts tout calleux des hommes. Ils étaient d'ailleurs bien contents de se dispenser de la corvée . A eux la gloire du chasseur, aux femmes l'intendance. 
Et tout est parfait depuis la nuit des temps.

Ensuite, cuire la polenta ... De l'eau, un peu de lait  dans une grosse marmite . Quelle quantité ? ... Beuh ! ... Comme dans l'industrie pharmaceutique QSP...
Quand le liquide bout, on verse la polenta en pluie. La polenta authentique. Pas la mixture précuite de chez Truc ou Chose qui se trouve bien alignée sur les rayons du supermarché, entre le riz en sachet et les pâtes "top chrono" . 

Avant, on aura pris grand soin, de mettre à côté du récipient le long bâton de bois nécessaire pour tourner, tourner et encore tourner. Parce que si vous attendez que l'ébullition reprenne pour ouvrir le tiroir à couverts et chercher où vous avez bien pu mettre cette p. de cuillère depuis la dernière fois .... ça le fera pas...

Quand la polenta se détache des parois de la marmite, tout est fait . La cuisson est parfaite, et le visage de la cuisinière rouge comme l'écrevisse ... Faudra pas faire de manière et accepter que les convives dégustent les petits oiseaux avec les doigts. La fourchette est acceptée pour la polenta uniquement .

La première fois que je suis allée à San Pellegrino, avec bis-nonno (et son passeport à l'effigie du roi Victor Emmanuel!), j'ai dégusté ce plat enrichi de crème fraîche et c'était pas mal du tout.

Donc, à la maison, en France et au XXI° siècle, la polenta e osei, recette bergamasque, est appréciée.

Pour Noël 2013 , c'était une version iconoclaste.
De la polenta pré-cuite, découpée en petits sapins et poélée a accompagné ... le chapon ! Pas vraiment un petit oiseau. 
On fait avec ce qu'on a, n'est-ce-pas ?
C'était bon aussi. Je confirme qu'on s'est servi de fourchettes pour l'ensemble.





mardi 29 octobre 2013

Saint-Michel au péril de la mer


Breton, le week-end, c'était prévu!...

Nous avons échappé aux manifestations - les Côtes d'Armor, c'est pas le Finistère - mais nous n'avons pas échappés à la tempête . Ca, c'était moins prévu.
Il fallait être un petit peu fou pour découvrir le Sillon de Talbert en compagnie d'Eole. Mais c'était trop beau, comme disent les djeuns. Et puis, ce n'est pas une largeur de quelque trente cinq mètres de sable s'avançant dans l'océan qui allait nous faire peur, n'est-ce-pas ?

A Perros, la petite maison de Maurice Denis, délicieusement dénommée Silencio y Descanzo 


paraissait bien à l'abri de toutes ces contingences économique ou météorologique .

Continuant dans le même état d'esprit, il fut décidé de repartir via le Mont Saint Michel. C'était pas trop la route. Pas la route directe en tout cas. Le GPS fut programmé.
Petit détour de 200 kilomètres.


- Mouais, petit détour de 200 kilomètres, mais petit détour de plusieurs heures.
- Pourquoi ?
A cause des travaux. 
Les fameux et pharaoniques travaux, qui doivent désensabler la baie du Mont. Et qui obligent les bipèdes à payer un emplacement pour leur véhicule, puis à emprunter la navette, puis à continuer pedibus (cum) jambis jusqu'aux remparts.  Donc, du temps, beaucoup de temps, à prévoir.
J'ai même entendu quelqu'un dire, avec vigueur, "c'est le b...! "


(Vue des travaux depuis la"cage de l'écureuil")

 Et quand la tempête s'en mêle ...


C'est bon, on l'a déjà fait. Ouf...

Ici, je me dois d'ouvrir une parenthèse. Dans le célèbre régime que je ne nommerai pas précisément (Yes, "You can") il est indiqué que les ascenseurs sont interdits à vie . Allez-donc au Mont Saint Michel, mesdames, et vous aurez respecté votre obligation pour le restant de vos jours! ...
Mes genoux s'en souviennent encore !...

La tempête avait contraint le Mont à fermer à la visite la plateforme de l'église et aussi les jardins. Dommage... Certains jardins ont pu être entrevus.

Havre de paix.

Tout comme le cloître, suspendu entre ciel et tangue:


Entr'aperçu par un vitrail de la Salle des Hôtes, le mont Tombelaine :

Je vais ici rassurer les inquiets.
Non, non, la tempête n'a nullement empêché les aficionados de la Mère Poulard d'aller se faire plumer dans son très célèbre restaurant, en dégustant sa non moins célèbre omelette. 
Trente euros, quand même, l'omelette.
Le chef m'a dit qu'à ce tarif là, les poules devaient être choyées... Dans la salle, aux murs tout tapissés de photos de célébrités internationales, une majorité de japonais.
- Des chinois ! ... pas confondre !
Nous voici rentrés à la maison.
Le travail nous y attendait.

Pour aller plus loin:
Des romans (polars) sur le Mont, il en existe beaucoup.
Mon fils me signale un film, avec Ben Affleck,"A la Merveille". Film qu'il n'a pas vu, et moi non plus, mais nous allons vite réparer l'oubli.

Navette et zézette

Une fin de semaine à Aix en Provence, le vendredi, pour assister à une remise de prix ! C'est la mère qui était fière...
Ce serait pas plutôt de l'orgueil ?... Oui, bon, ça va ...
Donc vendredi soir à Aix et samedi à Marseille. Au menu, boulot pour le maître et et co-pilotage pour l'esclave .
Marseille est pour moi, toujours, un plaisir (sauf l'escalator de la gare Saint-Charles) .
Il faisait frisquet mais il y avait un beau soleil, et derrière les vitres du bar, le café s'est laissé déguster. Le Vieux Port est maintenant presque entièrement relooké et ça me plaît.
Nous avons re-visité Saint Victor et sa crypte. Etonnante ! Par ses dimensions et par son"mobilier" de sculptures. Et Lazare, émergeant de la pierre, n'est pas la moindre des découvertes.
La sortie était tout embaumée de l'odeur des navettes... et oui, le jour de cuisson, le boulanger ouvre grand portes et fenêtres, histoire d'en faire bénéficier le passant . C'est pas innocent ...
Le meilleur moyen de vaincre une tentation étant d'y succomber (merci Oscar) j'ai acheté quelques exemplaires de ce célèbre biscuit . C'était pas donné.
 - Mais, ma p'tite dame, même à Marseille, rien n'est donné!
Pas donné et franchement, très, très surfait .
La bonne odeur, rien à dire : de ce point de vue, la navette mériterait une place de choix dans l'armoire à linge ... Mais pour la dégustation, il est nécessaire de se renseigner, préalablement, sur la disponibilité de votre dentiste préféré. Car pour être dur, c'est dur!...
Chacun ses goûts, je préfère la zézette de Sète.

lundi 23 septembre 2013

Il est mort le poète.

Voici longtemps que je n'ai pas écrit...
Et puis, fin août, le décès de Seamus Heaney me rappelle un beau poème que Guillaume avait traduit avant de me le faire parvenir depuis son exil irlandais.
Je ne résiste pas ...


Digging - Seamus Heaney (1966, Death of a Naturalist) - traduction libre de Guillaume
Entre mon index et mon pouce
Repose le plume ; chaud comme fusil.

Sous ma fenêtre, un clair son qui gratte
Quand la bêche plonge dans le sol caillouteux.
Mon père, qui creuse. Je regarde

Jusqu’à ce que son dos peinant entre les parterres
S’incline, parte vingt ans en arrière
S’abaisser en cadence dans les rangées de patates
Où il creusait.

La grossière botte contre l’oreille, le manche
Entre les genoux fermement tenu.
Il déracinait des cimes, enfonçait les piques brillantes
Pour dégager d’autres patates que nous prenions
Aimant leur froide rigueur dans nos mains.

Par Dieu, le vieux savait tenir une bêche.
Tout comme son vieux.

Mon grand-père a sorti plus de tourbe en un jour
Qu’aucun autre dans la tourbière de Toner.
Une fois, je lui ai apporté du lait dans une bouteille
Emmitouflée de papier. Il s’est redressé
Pour le boire, puis est retombé sans s’arrêter
De tailler et trancher, laisser des mottes
Sur son épaule, aller çà et là
Pour de la bonne tourbe. Creuser.

L’odeur froide de l’humus des patates, succion et claque
Du terreau trempé, les brefs coups de pique
Dans les vives racines se réveillent dans ma tête.
Mais je n’ai pas de bêche pour suivre de tels hommes.

Entre mon index et mon pouce
Repose le plume.
Je creuserai avec. 
Original en ligne sur http://www.wussu.com/poems/shdigg.htm
Seamus Heaney Prix Nobel de Littérature en 1995.

Et moi, pour me souvenir des miens, avec quoi pourrais-je creuser ?