Voici longtemps que je n'ai pas écrit...
Et puis, fin août, le décès de Seamus Heaney me rappelle un beau poème que Guillaume avait traduit avant de me le faire parvenir depuis son exil irlandais.
Je ne résiste pas ...
Digging - Seamus Heaney (1966, Death of a Naturalist) - traduction libre
de Guillaume
Entre mon index et mon pouce
Repose le plume ; chaud comme
fusil.
Sous ma fenêtre, un clair son qui gratte
Quand la bêche plonge dans le sol
caillouteux.
Mon père, qui creuse. Je regarde
Jusqu’à ce que son dos peinant entre les
parterres
S’incline, parte vingt ans en arrière
S’abaisser en cadence dans les rangées
de patates
Où il creusait.
La grossière botte contre l’oreille, le
manche
Entre les genoux fermement tenu.
Il déracinait des cimes, enfonçait les
piques brillantes
Pour dégager d’autres patates que nous
prenions
Aimant leur froide rigueur dans nos
mains.
Par Dieu, le vieux savait tenir une
bêche.
Tout comme son vieux.
Mon grand-père a sorti plus de tourbe en
un jour
Qu’aucun autre dans la tourbière de
Toner.
Une fois, je lui ai apporté du lait dans
une bouteille
Emmitouflée de papier. Il s’est redressé
Pour le boire, puis est retombé sans
s’arrêter
De tailler et trancher, laisser des
mottes
Sur son épaule, aller çà et là
Pour de la bonne tourbe. Creuser.
L’odeur froide de l’humus des patates,
succion et claque
Du terreau trempé, les brefs coups de
pique
Dans les vives racines se réveillent
dans ma tête.
Mais je n’ai pas de bêche pour suivre de
tels hommes.
Entre mon index et mon pouce
Repose le plume.
Seamus Heaney Prix Nobel de Littérature en 1995.
Et moi, pour me souvenir des miens, avec quoi pourrais-je creuser ?
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