mardi 18 août 2009

La Maison des Consuls

Comme tout anonyme dans la rue Amaury de Sévérac, la dame avançait la tête, le corps penché en avant (la porte est basse), zieutait l’horizon sur 180° et tentait : « Y a quelque chose à voir, ici ? ». Bien sûr ! La façade aux fenêtres à meneaux, les grilles forgées, les fines sculptures au-dessus du passage voûté, et l’inscription sur les banderoles rayées rouge et blanc «Maison des Consuls», tout indique que oui, il y a certainement quelque chose à voir là-dedans. Elle insiste encore : « Mais c’est quoi ? ». D’expérience, il vaut mieux alors lui couper la parole, l’inviter à franchir le seuil, et à descendre les marches. Avant le fatidique : « Y en aura pour longtemps ? »… Au secours ! Heureusement, il existe toujours des touristes ouverts, sympathiques et surtout curieux. Curieux d’apprendre quelque chose pendant les vacances, à condition que ce ne soit ni prétentieux ni soporifique. Reçu cinq sur cinq par l’Association des Amis du Château et du Patrimoine Sévéragais qui est l’âme de cette maison depuis 15 ans. Petite visite virtuelle…

Cette bâtisse de style Renaissance passe pour avoir été le lieu de réunion des consuls de la ville, les ancêtres de nos conseillers municipaux si on veut faire bref, mais en 1432 tout de même. Adossée à l’ancienne prison sur deux étages (dernière exécution publique en l’an 1778) et à proximité de l’ancien marché couvert, le Sestayral, elle occupe un emplacement de choix dans la cité médiévale, entre d’anciennes échoppes éparses et des maisons à escaliers turriculés. Aujourd’hui, la Maison des Consuls est un lieu d’expositions et de mémoire sur la vie à Sévérac-le-Château depuis le Moyen Âge (les familles de Sévérac puis d’Armagnac) jusqu’à l’époque la plus proche (le XXème siècle, qui a vu partir les dernières lauzes de la toiture du château, hélas…), en passant par le temps du seigneur Louis d’Arpajon (1590-1679), duc et pair du Royaume de France, soldat du Roi, mécène et bâtisseur. Ce sont précisément la généalogie et l’œuvre de Louis d’Arpajon qui sont accessibles dans la troisième salle du rez-de-chaussée : les portraits de sa famille regardent la maquette du château tel qu’il était au XVIIème siècle, maquette réalisée par deux architectes voici une dizaine d’années. Sévérac était le plus beau château du Rouergue… à l’époque. Tout visiteur bien accroché à la rampe d’escaliers hasardeux peut voir que la maison pluriséculaire est dotée de deux galeries Renaissance superposées au dessus de la Cour d’Honneur, rénovées depuis la conclusion du bail emphytéotique en 1994. Voici la belle Salle des Consuls. Jugez plutôt…

Les efforts en recherche et en nettoyage dans cette salle encore habitée par des lapins il y a quelques décades, ont permis de découvrir et de mettre en valeur un ancien plafond peint et une cheminée de gypseries. Certes, la présence de consuls médiévaux plus vrais que nature dans cette pièce aménagée dans un style XVIIème a de quoi surprendre, mais le passage du chaos des époques et des siècles semble avoir abouti sur un tableau cohérent (n’y aurait-il pas un sens de l’Histoire ?). En effet, plus loin sur la droite, une pièce fraîchement rénovée par l’association (plafond à la française et cheminée en tuf avec le blason de la ville) est le lieu d’expositions thématiques (les mesures d’Ancien Régime, la cuisine Renaissance…) renouvelées chaque année. En 2009, vous êtes invités à découvrir «de fil en aiguille, l’histoire du textile dans le sévéragais, et ailleurs».

Avant de franchir la porte de sortie, vous prendrez le temps de découvrir « La médecine au Moyen Âge ». On y apprend qu’en ce temps là, le praticien n’était payé que s’il guérissait le malade. Qui a dit : c’est une idée pour réduire le trou de la sécu ?.. Un diaporama présente en outre l'histoire de Sévérac dans l'histoire de France... dans la prison, en son, textes et images, le tout conçu et réalisé par un adhérent lui aussi entre 12 et 34 ! Ce texte a été écrit à quatre mains, pour ceux qui hésitent encore à se fatiguer sur les antiques calades (ça monte, c’est vrai), pour ceux qui pensent avoir tout vu et tout appris, un peu à tort, car le concret est irremplaçable en matière de vieux cailloux. Peut-être cet avant-goût tout électronique donnera-t-il à quelques surfeurs égarés l’envie de se rendre à Sévérac-le-Château… Crédit photos : A.Poujol Bibliographie conseillée : Alain Poujol et J.-P. H. Azéma, Sévérac le Château - Porte du Rouergue (2008) Abbé Julien, Histoire de Sévérac-le-Château (ancien épuisé, mais réédité) Dr J. Molinié, Sévérac-le-Château en Rouergue (ancien épuisé, mais réédité) Actes du colloque sur Louis d’Arpajon (2006), Société des Lettres de l’Aveyron

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