lundi 23 septembre 2013

Il est mort le poète.

Voici longtemps que je n'ai pas écrit...
Et puis, fin août, le décès de Seamus Heaney me rappelle un beau poème que Guillaume avait traduit avant de me le faire parvenir depuis son exil irlandais.
Je ne résiste pas ...


Digging - Seamus Heaney (1966, Death of a Naturalist) - traduction libre de Guillaume
Entre mon index et mon pouce
Repose le plume ; chaud comme fusil.

Sous ma fenêtre, un clair son qui gratte
Quand la bêche plonge dans le sol caillouteux.
Mon père, qui creuse. Je regarde

Jusqu’à ce que son dos peinant entre les parterres
S’incline, parte vingt ans en arrière
S’abaisser en cadence dans les rangées de patates
Où il creusait.

La grossière botte contre l’oreille, le manche
Entre les genoux fermement tenu.
Il déracinait des cimes, enfonçait les piques brillantes
Pour dégager d’autres patates que nous prenions
Aimant leur froide rigueur dans nos mains.

Par Dieu, le vieux savait tenir une bêche.
Tout comme son vieux.

Mon grand-père a sorti plus de tourbe en un jour
Qu’aucun autre dans la tourbière de Toner.
Une fois, je lui ai apporté du lait dans une bouteille
Emmitouflée de papier. Il s’est redressé
Pour le boire, puis est retombé sans s’arrêter
De tailler et trancher, laisser des mottes
Sur son épaule, aller çà et là
Pour de la bonne tourbe. Creuser.

L’odeur froide de l’humus des patates, succion et claque
Du terreau trempé, les brefs coups de pique
Dans les vives racines se réveillent dans ma tête.
Mais je n’ai pas de bêche pour suivre de tels hommes.

Entre mon index et mon pouce
Repose le plume.
Je creuserai avec. 
Original en ligne sur http://www.wussu.com/poems/shdigg.htm
Seamus Heaney Prix Nobel de Littérature en 1995.

Et moi, pour me souvenir des miens, avec quoi pourrais-je creuser ?