lundi 21 mars 2011

Le panier de la ménagère

Ce jour-là, courses au supermarché du chef-lieu ...
Je sais, c'est pas bien, empreinte carbone et tutti quanti. Sans oublier que je porte mes sous à Monsieur C..., qui, jamais, jamais, ne m'a renvoyé l'ascenseur...
- Etes-vous sûre ?
- Certaine !  
- Et la carte de cliente privilégiée? Plus on consomme, plus on gagne, c'est bien connu ... 
- ?
Difficile de ne pas répondre au blanc-bec qui m'apostrophe.
Je venais d'arpenter les allées réfrigérées (c'était pas la peine, M'sieur, fait assez froid comme ça...) en pestant, comme d'habitude, sur le caddy bien trop profond - un jour, je tomberai dedans, c'est certain - et sur l'absence de petits-suisses comme je les aime, bien ronds, entourés du papier blanc tout emperlé de  gouttelettes d'eau ...
Carte privilégiée?... Rien d'autre, mon petit, que la suite du carnet de timbres et du catalogue à primes que distribuait Victor.
-Victor, quel Victor ?
- mais Victor des Docks Méridionaux ! 
Cétait quand même mieux de coller des timbres ou des images trouvées dans le chocolat. Chaque page qui s'enrichissait - oui, elle aussi - de ces vignettes collées à la force de la langue, permettait d'apercevoir, à l'horizon, le bout du service de table ou de la cocotte-minute qui amènerait le progrès au foyer. Et puis, c'est pas pour dire, mais Monsieur Victor, ses moustaches et sa faconde, c'était autre chose que Monsieur C..., lui qui ne m'a jamais dit bonjour et qui, jamais au grand jamais, ne m'a demandé des nouvelles de la cousine de Villeveyrac.

Il me revient alors en mémoire, l'histoire - vraie hélas! - de cette ménagère qui en vint à s'endetter auprès d'un épicier local en achetant en grand nombre des fromages, uniquement pour collectionner les timbres nécessaires à l'assouvissement de son désir (!) ... C'était première moitié du siècle dernier, et ce n'est pas Victor qui était en cause .
La vente d'une vigne appartenant au mari  (plus quelques compliments, je suppose) guérit pour toujours madame de sa collectionnite aigue.
Finalement, l'usage immodéré actuel des cartes de crédit de toutes nos enseignes ....  Mêmes causes, mêmes effets! Monsieur C... ne voudrait pas de ma vigne, ma chemise lui suffirait !

Une devinette ? Qui a dit :
" - Monsieur, si j'étais votre épouse, je mettrais du poison dans votre café.
 - Madame, si j'étais votre mari, je le boirais." ?

lundi 7 mars 2011

On fête grand-mère!

C'était hier. Fête purement commerciale, diront les grincheux! Oui, c'est vrai, mais celà n'empêche pas de se souvenir, avec émotion, de sa grand-mère.
La mienne, ma grand-mère maternelle, était italienne. Ses compatriotes, et ils étaient nombreux dans le coin, l'appellaient affectueusement Bettina. Pour moi, elle était mamé Elisabeth. Personne, dans ce milieu social, n'avait de mamie, ni de mamy, et encore moins de "bonne maman"...
Je lui dois tous mes souvenirs heureux d'enfance!. Et, au premier rang, l'amour ... du lait concentré sucré, addiction qu'elle a fortement encouragée en me fournissant régulièrement la monnaie nécessaire pour acheter la boite métallique entourée du papier blanc sur lequel était imprimé le mot magique : Mont-Blanc !
Levée à une heure raisonnable, je descendais de la chambre, pieds nus sur le froid carrelage de l'escalier qui atterrissait directement dans la pièce à vivre où brûlait le feu de cheminée.
Au bord des flammes attendait la petite "cafetière" d'émail bleu, toute picotée de "pets" de rouille. 
Sur la toile cirée de la table, dans le grand bol transparent, je versais le lait concentré, une bonne épaisseur, puis le café, un peu, ma non troppo et avec mille précautions, afin que les deux ingrédients ne se mélangent pas! Le plaisir était d'avaler rapidement le liquide chaud à peine blanchi, et puis, à la cuillère, en prenant tout son temps, de déguster la crème onctueuse et tiède, d'une couleur à peine beige, comme "lasurée". Ca durait un certain temps, mais on n'était pas "à la pièce", n'est-ce-pas?
Sur la même table, des années auparavant, ma tante, refusait d'avaler la "minestre", soupe consistante de midi, qui tenait au corps. Le critère d'une bonne soupe pour un bergamasque étant que la cuillère doit s'y tenir bien droite, toute seule (au garde-à- vous, quoi!). En fin d'après-midi, sur la même toile cirée, la même assiette de soupe, bien refroidie, attendait l'écolière récalcitrante... Epreuve de force quotidienne.   
Ma grand-mère est partie un jour de novembre, voici longtemps. Je l'avais toujours vue travailleuse, soumise et taiseuse. Après son décès, il fallut faire place nette et j'ai découvert, avec la surprise qu'on imagine, deux moulins à café électriques. Un pour le café. Normal. Et un autre, jusque là ignoré de tous, qui lui servait à moudre bien fin ... son tabac! Car mamé Elisabeth prisait! ... Oui, elle "sniffait", quoi ! ... Et bisnonno de se souvenir qu'elle lui faisait volontiers ses courses de tabac (Boyard Papier Maïs, on n'est pas chez des fillettes!) sans jamais lui reprocher sa consommation tabagique!
Finalement, mamé Elisabeth, j'aurais dû la fêter deux fois! Pour la Fête des grands mères. Normal. Et pour la  Fête des femmes, pour sa modernité! Sur le calendrier, les deux fêtes se suivent .

A lire:
Cavanna: "Les Ritals" bien sûr ( mais je lirai aussi bientôt son dernier bouquin consacré à la Miss Parkinson qui lui empoisonne la vie)
D. Fernandez: Dictionnaire Amoureux de l'Italie - l'article sur Bergame, la plus belle ville d'Italie (c'est lui qui le dit!)

PS: j'aime toujours autant le lait concentré sucré, Mont-Blanc ou pas. Et, autre précision, aucun des deux époux n'a développé de grave maladie liée au tabac.